Simba Makoni

Candidat à l’élection présidentielle zimbabwéenne

Publié le 11 février 2008 Lecture : 3 minutes.

Il est plutôt dangereux d’être candidat à la présidence du Zimbabwe. Les opposants à Robert Mugabe ont eu parfois de mystérieux accidents de la circulation. Simbarashe Herbert Stanley Makoni, dit « Simba », 57 ans, qui a annoncé, le 5 février, sa candidature à la présidentielle du 29 mars, est-il courageux ou stupide ? L’ancien ministre des Finances a accusé Mugabe d’avoir causé la ruine économique du pays. Depuis que le Movement for Democratic Change (MDC), le parti d’opposition, s’est montré incapable de se mettre d’accord sur un candidat, il semblait que Mugabe avait les coudées franches. Désormais, il y a au moins un adversaire crédible.
C’est la première fois qu’il y a un candidat de la Zanu-PF (au pouvoir) disposant d’un soutien sérieux. Makoni a en effet des alliés de poids. D’abord et avant tout l’armée, et tout particulièrement des faiseurs de rois que sont Salomon Mujuru, ex-chef d’état-major, et son épouse Joyce, la vice-présidente, ainsi que Dumiso Dabengwa, ancien chef du renseignement. Tous trois ont combattu durant la guerre de libération, alors que Simba n’a jamais touché un fusil, pas plus que Mugabe. La caution apportée par ces figures nationalistes est essentielle pour Makoni : elle le prémunira contre les tentatives de Mugabe de le présenter comme un suppôt de l’étranger.

Il y a plusieurs explications à la montée en puissance de Simba. Ainsi, sa position nuancée sur la réforme agraire. Il n’est pas pro-occidental ; il estime qu’il fallait effectivement restituer la terre, mais que la manière dont on s’y est pris a porté atteinte aux intérêts nationaux et à l’économie. L’expérience de Makoni en matière économique et financière – il a été secrétaire exécutif de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) de 1984 à 1993 et ministre des Finances de 2000 à 2002 – lui donne de la crédibilité lorsqu’il parle de réforme. Il a aussi de solides atouts géographiques. C’est un Shona, du Manicaland, à l’ouest. Les Mujuru sont originaires du Mashonaland, où se trouve la capitale, Harare, et qui s’étend vers le nord. Ses liens avec l’aile Arthur Mutambara du MDC signifient qu’il peut trouver du soutien dans le Matebeland, à l’est. Mutambara lui-même vient du Manicaland. Et il se murmure qu’il serait prêt à se retirer au profit de Makoni.
C’est ici que la stratégie de Simba et sa courageuse candidature s’éclairent. La fidélité de la Zanu-PF à l’égard de Mugabe ne fait pas de doute, mais elle a été sérieusement ébranlée, ces deux dernières années, par les pertes qu’elle a subies dans ses opérations commerciales du fait de l’hyperinflation. Si Makoni parvient à se faire des amis à la Zanu-PF avec l’aide des Mujuru et au MDC avec celle de Mutambara, il peut se retrouver en position de remporter une élection libre et honnête.

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Aux élections précédentes, Mugabe avait établi un lien entre l’aide financière apportée au MDC par les États-Unis et le Royaume-Uni et la lutte pour la libération. Autrement dit, si vous êtes pro-MDC, vous êtes anti-libération. C’était un moyen infaillible de bloquer tout soutien à l’opposition. Il n’est pas surprenant que vingt-quatre heures après l’annonce de sa candidature, les journaux gouvernementaux aient traité Makoni de « marionnette de l’Occident ». Pourtant, lorsqu’il a été candidat à la présidence de la Banque africaine de développement (BAD), en 2005, il s’est heurté à l’opposition des Occidentaux, qui lui préféraient le Ghanéen K.Y. Amoako, de la Commission économique de l’ONU pour l’Afrique (CEA). Même si c’est Donald Kaberuka qui a été élu, Makoni a obtenu plus de voix qu’Amoako.
Le Royaume-Uni se trouve dans une position délicate. S’il donne l’impression de soutenir Makoni, c’en est fini de sa candidature. S’il ne bouge pas, si les Mujuru réussissent à le parer de l’auréole de la guerre de libération, si les difficultés économiques ébranlent le loyalisme du Zimbabwéen moyen à l’égard de Mugabe, et si la division du MDC perdure, alors Makoni a une chance. Mais ce serait une erreur de sous-estimer la puissante machine électorale de Mugabe – depuis l’appareil sécuritaire jusqu’à la Ligue de la jeunesse de la Zanu-PF, qui contrôle les campagnes. Morgan Tsvangirai, du MDC, l’emporterait dans les villes, Mugabe dans les campagnes. Il ne resterait pas grand-chose à Makoni

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