Objectif professionnalisation

En hausse de 17,5 % en 2006, le marché africain connaît une vraie révolution. Si les pesanteurs restent nombreuses, de jeunes holdings locaux émergent et des produits adaptés aux besoins du continent voient le jour.

Publié le 11 février 2008 Lecture : 5 minutes.

L’Afrique a suivi la hausse du marché mondial de l’assurance et a même enregistré la plus forte progression en 2006, + 17,5 %, loin devant l’Asie (+ 3,8 %) et les Amériques (+ 2,7 %). Sa part demeure toutefois extrêmement faible (environ 1,5 % du marché mondial) et, sur le continent, le secteur est largement dominé par l’Afrique du Sud, le Maghreb, le Nigeria, l’Angola et le Kenya, qui représentent quelque 98 % du marché. À l’approche de la 32e Assemblée générale de la Fédération des sociétés d’assurances de droit national africaines (Fanaf) qui se tient du 25 au 29 février prochain à Bamako, au Mali, il est intéressant d’observer l’évolution récente du marché des pays de la zone Cima, correspondant à l’Afrique subsaharienne francophone. Encore émergent, il laisse présager un indéniable potentiel. Sa progression, de 7 % en 2005 et de plus de 5 % en 2006, devrait s’établir au-dessus de 5,2 % pour 2007. En douze ans, le secteur est passé d’une activité artisanale à un marché structuré et performant, grâce à l’essor économique des États et à la mise en place du traité Cima, qui a permis une harmonisation et un assainissement des marchés ainsi qu’une professionnalisation et une réelle modernisation des outils et des services.
Le développement de l’assurance au sein de la zone est cependant encore freiné par des facteurs socioculturels, notamment par un déficit de culture de l’assurance, une image négative du secteur, et parce que les structures sociales sont fondées sur la solidarité familiale et la proximité. Pour exemple, une enquête de la Banque mondiale estime à 70 % la population camerounaise qui participerait aux assurances financières informelles à travers les tontines. Cette difficile émergence s’explique aussi par des facteurs économiques : faiblesse des économies nationales et exiguïté des marchés, faiblesse du produit intérieur brut (PIB) et du revenu par habitant, inflation et dévaluation des monnaies, etc.
Enfin, les entreprises étrangères opérant en Afrique, qui ont l’obligation d’avoir un assureur local, déplorent des défaillances dans la définition des produits qui les contraignent à prendre, en sus, une couverture de réassurances auprès des opérateurs conventionnels mondiaux (AGF, AXA, Africa Ré, Scor, Swiss Ré). Par ailleurs, face aux mouvements de fusions-acquisitions, nombre de groupes internationaux, à commencer par ceux opérant dans le secteur des matières premières, préfèrent pratiquer l’auto-assurance. Un choix qu’ils expliquent aussi par leurs doutes quant à la capacité de définition et d’anticipation des assureurs concernant l’évaluation des risques, par la peur de les voir se désengager, par le manque de stabilité de certains pays, etc. Mais, comme le souligne un cadre du secteur, « ce n’est pas parce que nous travaillons en Afrique que nous devons travailler avec des produits et des outils sous-développés et que nous n’avons pas intégré les standards internationaux. »

L’Afrique gagne en assurance
Sur le territoire de la Cima, le marché des assurances est un marché concentré, dominé par les filiales des grands groupes internationaux et par quelques « jeunes » holdings panafricains, à capitaux nationaux, dont Colina, NSIA ou Sunu Assurances. On peut d’ailleurs observer le passage de relais des groupes internationaux à ces sociétés panafricaines, facilitant la croissance de ces dernières, qui appliquent désormais les méthodes et utilisent les outils de leurs aînés pour fonctionner selon les standards internationaux (notamment pour la mise en place des procédures de lutte contre le blanchiment d’argent et contre le financement du terrorisme).
C’est le cas de Colina, aujourd’hui numéro un sur la zone après avoir racheté certains portefeuilles d’AGF et de Groupama. Sunu, fondée en 1998 par Pathé Dione, ancien directeur Afrique au sein du groupe Axa, a profité à ses débuts du partenariat avec l’assureur français. Et en 2004, décidant de recentrer ses activités en Afrique en les limitant à l’exploitation des branches IARD (Incendie, accidents et risques divers), Axa lui a cédé ses trois filiales Vie – devenues respectivement Union des assurances de Côte d’Ivoire-Vie (UA-Vie), Union des assurances du Cameroun-Vie (UACam-Vie), Union des assurances du Gabon-Vie (UAG-Vie) – ainsi que sa filiale togolaise IARD, devenue UAT-IARD Togo. À côté de ces leaders opèrent de nombreuses sociétés à faible capitalisation et détenant de petites parts de marché, les groupes internationaux et panafricains réalisant plus de 80 % du chiffre d’affaires du marché. Les filiales des groupes internationaux, comme celles d’AGF ou d’Axa, restent bien implantées au Sénégal, au Gabon et, dans une moindre mesure, en Côte d’Ivoire et au Cameroun, qui constituent les deux marchés les plus actifs à l’échelle de l’Afrique francophone. Les holdings panafricains poursuivent quant à eux leur croissance sur les marchés les plus porteurs (Côte d’Ivoire, Cameroun, Mali et Bénin).

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Des produits classiques à la prise en compte des besoins locaux
Les marchés des assurances de la zone Cima enregistrent des évolutions inégales selon les branches, avec cependant le même constat chez tous les acteurs : la part des cotisations vie, qui avait accusé un recul au début des années 2000, est à nouveau en progression constante et représente le double de celle des IARD. Dans ces deux branches, les assureurs proposent des produits classiques mais doivent aussi les adapter aux réalités africaines et offrir des produits innovants, répondant aux besoins des clients – nationaux et étrangers, entreprises comme particuliers -, afin de toucher un éventail plus important de la population et d’accroître les recettes. La diversification vers des produits spécifiques et non obligatoires, dont la rentabilité est d’ailleurs plus grande, constitue et constituera en effet un facteur clé de croissance du marché. Il peut s’agir de proposer aux agriculteurs une solution sur mesure, qui leur donne la possibilité de fractionner la prime sur certains risques en fonction du cycle des récoltes ou, côté santé, de garantir une couverture systématique pour une trithérapie. Pour les entreprises et leurs salariés comme pour les particuliers, le développement des produits vie, retraite et capitalisation (études, retraite, pension, prévoyance décès, convention obsèques, temporis obsèques, etc.) et de produits banque-assurance (prépension, couverture de prêts, assistance diaspora, etc.) sont des filons encore insuffisamment explorés et dans lesquels le marché Cima reste à la traîne. Les taux de pénétration de l’assurance vie ne sont que de 0,2 % en moyenne (sauf en Côte d’Ivoire, où il a dépassé 0,65 %) contre 4 % au Zimbabwe, 3 % au Kenya et plus de 11 % en Afrique du Sud.
En tout état de cause, les assureurs qui réussissent sur le marché sont ceux qui ne se contentent pas de collecter les assurances « obligatoires », notamment l’assurance automobile, qui, compte tenu de la modestie du parc comparé à celui des pays industrialisés, n’est sûrement pas la meilleure et la plus rapide voie de développement du secteur. D’autant que « seulement 30 % à 40 % des parcs sont assurés », estime un professionnel
Enfin, la micro-assurance offre de nouvelles opportunités, qui présentent en outre l’avantage de sensibiliser les populations et de les familiariser avec le secteur de l’assurance. AGF Afrique a signé l’an dernier un accord avec Planet Finance pour la distribution de la micro-assurance auprès des emprunteurs des institutions de microfinance en Afrique sur l’ensemble des pays où AGF est représenté.

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