Griots de la paix

Qu’ils soient artistes ou sportifs, les leaders d’opinion redoublent d’efforts pour célébrer la fin du conflit. Et contribuer à recoudre le tissu social.

Publié le 11 février 2008 Lecture : 3 minutes.

Dans le sillage du chef de l’État et du Premier ministre qui ont signé l’accord de Ouagadougou le 4 mars 2007, nombre d’artistes, sportifs, leaders d’opinion ont entamé une danse de la paix. Un étonnant ballet où se mêlent stars désintéressées, politiques avisés et coureurs de cachets.
Didier Drogba, attaquant fétiche des Éléphants et du club londonien de Chelsea, a ouvert le bal le 28 mars 2007 en se rendant à Bouaké. « Je suis venu ici pour vous offrir le Ballon d’Or qui appartient à toute la Côte d’Ivoire », a déclaré le footballeur devant une foule en délire rassemblée place du Carnaval. Le 30 juillet, lors de la « Flamme de la paix », toujours dans le fief des Forces nouvelles (FN, ex-rébellion), une flopée de stars nationales (parmi lesquelles Wédji Ped, Malou Amley, le duo Yodé-Siro, Lato Crespino et le doyen Amédée Pierre) ont embrasé le stade municipal avant l’arrivée des deux anciens ennemis.
Le 20 octobre 2007, à l’occasion de la visite de Guillaume Soro à Gagnoa (Centre-Est), c’est Alpha Blondy qui a effectué son petit numéro. À genoux, les mains jointes, le reggaeman s’est mis à supplier le Premier ministre et le leader des Patriotes Charles Blé Goudé, alors réunis dans la résidence du préfet aux côtés du ministre de la Réconciliation Sébastien Dano Djédjé et du ministre du Tourisme Sidiki Konaté, d’enterrer définitivement la hache de guerre et de construire l’avenir du pays. Avant de s’en prendre, a capella, à tous ceux qui ont mis le feu à son « paradis » – entendez, la Côte d’Ivoire. Puis de dénoncer l’attitude « des journalistes pyromanes, des politiciens mythomanes, des prêtres corrompus et des imams vendus ». Avec quelques jours d’avance, le chanteur venait de livrer les paroles des « Salauds », l’un des titres phares de son album sorti en novembre 2007.
Quelques semaines plus tard, c’était au tour de Tiken Jah Fakoly de mêler sa voix au concert de ceux qui militent pour la réconciliation. Après cinq ans d’exil, le chanteur est revenu au pays, entamant le 8 décembre une série de concerts. Première étape : le Parc des sports d’Abidjan, où près de 30 000 personnes sont venues l’acclamer. Un véritable meeting musical pour le chanteur qui a harangué la foule plus de deux heures durant.

Vive concurrence
Mais les artistes ne sont plus les seuls à répandre la « bonne nouvelle ». Lors de la Nuit de la réconciliation organisée le 10 octobre 2007 à l’Hôtel Ivoire, Dano Djédjé a souhaité honorer nombre de bénévoles, religieux, chefs coutumiers et leaders d’opinion pour leur contribution à la paix. Et remis une série de gratifications (diplôme de messager de la paix, titre d’ambassadeurs de la paix) aux représentants des différents mouvements de la Jeunesse patriotique comme Richard Dakoury, Serge Koffi, Eugène Djué et Charles Blé Goudé. Censée contribuer à recoudre le tissu social, la cérémonie a suscité, paradoxalement, de nombreuses frustrations. Certains n’auraient pas supporté d’avoir été moins bien traités que d’autres.
Il faut dire que la concurrence est vive chez les Jeunes Patriotes, qui redoublent d’efforts pour célébrer la paix comme il se doit. Charles Blé Goudé, le plus imaginatif d’entre eux, n’a pas hésité à prendre son bâton de pèlerin pour collecter des fonds auprès de généreux donateurs. Tout au long de l’année 2007, il a organisé une caravane de la paix qui a sillonné plusieurs villes de Côte d’Ivoire avant de lancer les « SMS pour la paix » facturés 280 F CFA le message (0,42 euro). Une opération montée par son cabinet de stratégie politique et de communication audiovisuelle, Leader’s Team Associated, et qui lui rapporte de juteux profits.

la suite après cette publicité

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires