Drogba, la CAF et les marchands du temple
Publié le 11 février 2008 Lecture : 2 minutes.
Imagine-t-on la Fédération internationale de football association (Fifa) organiser un gala en pleine Coupe du monde pour désigner son « joueur de l’année » ? Ou l’hebdomadaire parisien France Football remettre son Ballon d’or 2007 pendant l’Euro 2008 ? Non, bien sûr. Sauf, apparemment, à la Confédération africaine de football (CAF). C’est donc avec, disons, un certain étonnement qu’on a découvert que le gala des Trophées Globacom/CAF récompensant les meilleurs joueurs et équipes de l’année 2007 se tiendrait le 1er février, à Lomé (Togo). Soit deux jours avant les quarts de finale de la CAN au Ghana !
À la même occasion, on a appris que l’Ivoirien Didier Drogba avait été élu – officiellement – numéro un africain par les sélectionneurs des 53 associations nationales membres de la CAF, devant le Malien Frédéric Kanouté et le Ghanéen Michael Essien. Las, à quelques heures d’un match décisif face à la Guinée, le capitaine des Éléphants a refusé d’abandonner ses coéquipiers pour se rendre à Lomé. Et proposé de se faire représenter à la cérémonie par Lalla, son épouse, et par Thierno Seydi, son ami et agent. Refus catégorique de Globacom.
Issa Hayatou, le président de la CAF, aurait alors téléphoné à Drogba et menacé : « Si tu ne viens pas à Lomé, on donne le trophée au second ! » De fait, à la suite d’un rapide tour de passe-passe, Kanouté (dont l’équipe était déjà éliminée de la CAN) a été déclaré vainqueur par défaut et s’est vu remettre le trophée, à Lomé.
À l’origine de ce curieux épisode, une rivalité commerciale entre deux opérateurs de téléphonie mobile, le Sud-Africain MTN et le Nigérian Globacom. Le premier est le sponsor officiel de la CAN et de la Ligue des champions. Le second a, le 18 mars 2005, conclu avec Hayatou, dans un palace parisien, un accord de partenariat pour cinq ans dont le montant n’a pas été divulgué. Aux termes de cet accord, Globacom s’engageait à prendre en charge l’organisation de la cérémonie des Trophées et à y inviter, outre les lauréats, tous les membres du comité exécutif de la CAF accompagnés de leurs épouses.
Pied de nez
En organisant un gala à Lomé en pleine phase finale de la CAN, les opérateurs nigérians ont manifestement voulu faire un pied de nez à leurs concurrents de MTN. S’ils tenaient mordicus à la présence de Drogba, c’est que l’image de la star leur aurait permis de tenter une percée en Côte d’Ivoire. Reste à savoir pourquoi Hayatou a cru devoir cautionner une opération qui fait passer l’intérêt de firmes commerciales avant celui des footballeurs. « Ce genre d’attitude, a commenté Drogba, n’honore pas l’Afrique. Je n’accepterai jamais plus une distinction de la CAF. » Peut-on lui donner tort ?
