De l’écrit à l’écran

Astérix aux jeux Olympiques, No Country for Old Men, Les Cerfs-Volants de Kaboul… plus d’un quart des films actuellement à l’affiche à Paris sont des adaptations de livres. Pour le meilleur et le pire ?

Publié le 11 février 2008 Lecture : 3 minutes.

Entre janvier et avril 2008, à en croire le recensement, sans doute non exhaustif, du magazine Livres Hebdo, vingt-neuf nouveaux films annoncés dans les salles parisiennes seront des adaptations de livres. Cela représente un bon quart de l’ensemble des longs-métrages inédits à l’affiche. Parmi ceux-ci figurent aussi bien des adaptations de bandes dessinées (Astérix aux jeux Olympiques) que de livres pour enfants (Les Chroniques de Spiderwick), de littérature policière ou à suspense (Le Grand Alibi, d’après ?Le Vallon d’Agatha Christie), d’aventures réelles (l’excellent Into the Wild, réalisé par Sean Penn) ou de grands auteurs contemporains (No Country for Old Men des frères Coen d’après Cormac McCarthy ou La Strada di Levi inspirée par l’uvre de Primo Levi).
Faut-il se féliciter de ce recours massif du septième art à la littérature, au sens le plus large du terme, ou le déplorer ? Bien entendu, tous les cas sont particuliers. Mais on peut s’interroger brièvement à ce sujet en commentant la sortie aujourd’hui sur les écrans de deux films directement inspirés de livres : Capitaine Achab, de Philippe Ramos, d’après le célèbre classique d’Herman Melville Moby Dick, et Les Cerfs-Volants de Kaboul, de Marc Forster, d’après le best-seller de Khaled Hosseini paru sous le même titre. Car le parti pris des deux cinéastes, à partir de romans tous deux de grande notoriété, mais, il est vrai, complètement différents à tous égards, illustre deux choix radicaux face au problème de l’adaptation.

Interprétation imaginaire
Marc Forster, cinéaste reconnu aux États-Unis (sept nominations aux Oscars pour Neverland, consacré à l’auteur de Peter Pan, avec notamment Johnny Depp, Kate Winslet et Dustin Hoffman), a décidé de suivre aussi fidèlement que possible le récit à succès de Hosseini. Il évoque donc chronologiquement les destins croisés d’un enfant privilégié de Kaboul, un fils de famille aisée qui émigrera avec son père aux États-Unis lors de l’invasion soviétique, et de son compagnon de jeux d’enfance, le fils d’un domestique qui devra vivre les heures difficiles de l’occupation russe puis du régime taliban. L’occasion de tenter d’émouvoir le spectateur, comme l’avait été le lecteur du livre, en rapportant des faits tragiques. Mais surtout, au total, un film laborieux, dont on suppose que les limites sont le résultat direct de ce désir du cinéaste de rendre compte au plus près du contenu de l’ouvrage sur lequel est fondé le scénario.
Philippe Ramos, osant s’inspirer d’un chef-d’uvre de la littérature mondiale dès son deuxième film, n’a pas cherché à raconter Moby Dick. Contrairement à John Huston, illustre prédécesseur qui avait réalisé un long-métrage décevant dans les années 1950 en tentant d’adapter fidèlement le roman de Melville, il s’est emparé du personnage principal du livre, le capitaine Achab, pour lui inventer une enfance et une jeunesse avant le combat fatal avec le célèbre cachalot blanc. Cette scène est d’ailleurs à peine figurée, sans aucune reconstitution réaliste. Même si tout n’est pas réussi dans Capitaine Achab, qui hésite entre rigueur et lyrisme, Philippe Ramos, en nous livrant son interprétation imaginaire de la vie d’un personnage non moins imaginaire, nous propose une uvre très personnelle qui évoque avec bonheur moins le récit de Melville que l’univers dans lequel il se déploie. Et l’on prend un véritable plaisir à le suivre dans cette démarche originale, qui lui a valu d’obtenir le prix de la mise en scène au dernier festival de Locarno.
Il serait hasardeux de tirer des conclusions définitives de ces deux seuls exemples. Mais ils confirment pourtant cette impression que seules des exceptions semblent démentir parfois : ce sont les cinéastes qui s’assument comme auteurs à part entière, en refusant de reproduire respectueusement le contenu des livres dont ils s’inspirent, qui réussissent les meilleurs films. Sinon, pourquoi ne pas préférer l’original et ne pas se contenter de lire des ouvrages que le cinéma, de toute façon, devra au minimum « simplifier » pour leur permettre de rentrer dans le format d’un scénario ?

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Les Cerfs-Volants de Kaboul, de Marc Forster (sortie à Paris le 13 février).
Capitaine Achab, de Philippe Ramos (sortie à Paris le 13 février).

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