Adieu à l’américaine

La deuxième et dernière tournée de George W. Bush sur le continent résume la politique africaine de Washington : beaucoup de commerce, peu de solidarité et aucune audace.

Publié le 11 février 2008 Lecture : 4 minutes.

Du 15 au 21 février, George W. Bush fera ses adieux à l’Afrique, du moins en tant que chef d’État. Pour sa dernière tournée sur le continent, le président américain a choisi de se rendre avec son épouse Laura au Bénin, en Tanzanie, au Rwanda, au Ghana et au Liberia, cinq pays – dont le premier est le seul résolument francophone – qu’il n’a jamais visités dans l’exercice de ses fonctions. Et pour cause : il s’agit de sa deuxième tournée africaine seulement.
Son baptême du feu, en juillet 2003, l’avait conduit en Afrique du Sud, au Botswana, en Ouganda, au Nigeria et au Sénégal, seule étape en terre francophone. Dix pays en deux mandats – comme son prédécesseur Bill Clinton -, le résultat peut sembler mince. Mais pour une « hyperpuissance » qui n’a jamais considéré l’Afrique comme un partenaire prioritaire et ne l’aborde pas avec le complexe de l’ex-colonisateur, le bilan est d’autant moins négligeable que Bush aura laissé quelque souvenir sur le continent. Reste à savoir lequel.
Le numéro un américain, qui a déclaré un jour à la télévision que le Nigeria était un « continent important », a décrété que Washington serait le médecin de l’Afrique. « L’Amérique se bat contre la maladie », indiquait-il encore le 28 janvier, dans un passage de son discours sur l’État de l’Union – son dernier – consacré au continent. Le projet de budget 2008 de l’aide américaine au sud du Sahara prévoit d’allouer 4,1 milliards de dollars, soit 80 % du total, à « l’humain », ce qui inclut notamment la lutte contre le paludisme et le sida.
La cause est noble et fait l’unanimité aux États-Unis comme sur le continent. Mais c’est là que s’arrête la solidarité. Pour le reste, c’est le principe de réalité qui prime. « Trade but no aid » (« le commerce mais pas l’aide »), avait lancé Bill Clinton lors de sa première tournée africaine, en 1998. Il en est allé différemment sous George W. Bush : l’aide au sud du Sahara a progressé, passant de 1 milliard de dollars en 1996 à 4,1 milliards en 2005. Mais les échanges commerciaux, eux, se sont carrément envolés. Rien qu’entre 2004 et 2006, ils sont passés de 44 à 71 milliards de dollars, soit une hausse de 60 %. « Trade and aid », tel aurait pu être l’adage du futur ex-locataire de la Maison Blanche En janvier 2004, George W. Bush a lancé le Millenium Challenge Corporation (MCC), un « produit de coopération » récompensant par une aide additionnelle les pays qui auront rempli certains critères, comme la bonne administration publique, l’éradication de la corruption, l’ouverture des marchés ou la promotion de l’entreprise. Dans la classe des bons élèves sont notamment admis le Bénin et le Ghana, tandis que le Rwanda et la Tanzanie, « éligibles » à des degrés divers, le seront bientôt. Quatre des cinq pays que visitera le président américain à partir du 15 février
En même temps, le volet « trade » a été consolidé. La durée de vie de la loi dite Agoa (African Growth and Opportunity Act), votée sous Bill Clinton, a été prolongée à trois reprises sous l’administration Bush. Elle exonère de droits de douane, sur certains produits, les pays africains y souscrivant. De fait, les exportations subsahariennes vers les États-Unis ont progressé de 60 % entre 2004 et 2006, à 59 milliards de dollars. Mais elles sont à 90 % composées d’hydrocarbures. Les deux premiers fournisseurs subsahariens des Américains sont d’ailleurs le Nigeria – un cinquième du pétrole consommé aux États-Unis vient de ce pays – et l’Angola, les deux premiers producteurs d’or noir du continent.
Pour les États-Unis, l’Afrique est avant tout une région stratégique : elle leur permet de diversifier leurs sources d’approvisionnement pétrolier. Ce n’est donc pas un hasard si, comme son prédécesseur, George W. Bush a pris soin de faire étape à Abuja lors de son premier déplacement sur le continent. En outre, avec ses 140 millions d’habitants et l’inévitable rayonnement sous-régional qui en découle, le Nigeria constitue pour Washington un véritable pivot. Comme l’Afrique du Sud, où le président américain s’est également rendu en 2003.
Sous l’administration républicaine, le choix des partenaires subsahariens n’a pas témoigné d’une grande audace. Bush va au Rwanda et en Tanzanie, Clinton y était allé aussi. Il fait étape au Ghana : le pays, anglophone, est culturellement proche des États-Unis. Au Liberia : Ellen Johnson-Sirleaf a fait plus d’une fois allégeance à la Maison Blanche, qui lui a apporté un soutien manifeste pendant la présidentielle de 2005. Seule nouveauté, le Bénin (voir encadré), qui toutefois bénéficie du MCC. Au nombre des amis officiels de l’Amérique, pas de fauteurs de troubles tels que le Soudan ou la Libye, avec qui il aurait été pourtant bon de s’entendre pour pacifier le continent, mais plutôt de bons soldats qui acceptent les critères idéologiques de Washington.
Pour autant, la popularité de Bush rencontre, en Afrique comme dans le reste du monde, des limites. Le site Internet de la Maison Blanche a beau arborer une photo du président américain le sourire aux lèvres, s’appliquant à reproduire des pas de danse énergiques aux côtés d’une troupe ouest-africaine, ce dernier reste considéré comme un va-t-en-guerre contre l’islam. Les dirigeants du continent en ont conscience, qui ont tous refusé, à l’exception d’Ellen Johnson-Sirleaf, d’accueillir dans leur pays le siège du commandement américain pour l’Afrique, Africom, destiné notamment à lutter contre le terrorisme. Même le Sénégal d’Abdoulaye Wade, qui revendique une solide amitié avec Bush, a décliné l’offre.

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