Vers la fin du tout-pétrole ?

Après une décennie de forte croissance dopée par les hydrocarbures, le pays s’interroge sur la pérennité de son succès économique. Pour ses dirigeants, la diversification des activités doit devenir une priorité.

Publié le 10 décembre 2007 Lecture : 4 minutes.

Des élections municipales prévues en mars 2008, des législatives et une présidentielle programmées en 2009, la Guinée équatoriale est à la veille d’importantes échéances. Des scrutins que le Parti démocratique de Guinée équatoriale (PDGE) et ses alliés peuvent envisager sereinement. Les délégués du parti au pouvoir ont reçu récemment véhicules et moyens logistiques pour aller battre campagne sur le terrain. L’opposition, incarnée par la Convergence pour la démocratie sociale (CDS), ciblera avant tout l’électorat des deux grandes métropoles du pays, Malabo et Bata, où ses militants sont les mieux implantés. Avec seulement huit conseillers municipaux et deux sièges sur cent à l’Assemblée nationale, le CDS cherchera avant tout à ancrer davantage sa présence dans un paysage politique qui ne vit plus à l’heure du parti unique, mais dont l’ouverture reste très timide.
C’est dorénavant une habitude : à l’aube de chaque grand scrutin, le président Teodoro Obiang Nguema appelle l’opposition en exil à regagner la mère patrie. « Nous sommes passés d’une politique de l’intolérance, de la violence, des exclusions et des disqualifications à une politique de la tolérance, du consensus national et de la cohabitation », a-t-il expliqué en octobre dernier à l’occasion de la fête de l’Indépendance célébrée à Ebibeyin. Le parti au pouvoir a adopté depuis 1995 une stratégie de « réinsertion » que la nouvelle manne pétrolière permet de financer. En faisant allégeance, les « revenants » accèdent ainsi à l’administration ou aux entreprises d’État et rompent avec des années de frustration. Ce qui permet au président de capitaliser sur son « essai démocratique », lancé en 1991. Severo Moto et son entourage, impliqués dans la tentative de renversement du régime en 2004, demeurent ainsi les derniers véritables opposants en exil. Et leur situation est devenue passablement inconfortable depuis que l’Espagne et la Guinée équatoriale font assaut d’amabilité et projettent d’intensifier leur coopération. Obiang pourrait se satisfaire de ces succès, mais le chef de l’État compte aussi rallier à lui les derniers irréductibles du CDS. « Le président nous approche depuis 1998. Mais nous n’avons pas vécu des années de privations et d’emprisonnement pour rejoindre le gouvernement à n’importe quel prix, souligne Placido Mico Abogo, secrétaire général du mouvement. Nous souhaitons d’abord nous mettre d’accord sur une politique de bonne gouvernance, un programme de gouvernement et un certain nombre de préalables comme la libération des prisonniers politiques. »

Comme un dragon
Obiang Nguema est-il prêt à accéder à ces requêtes ? Il donne en tout cas des gages de bonne volonté. Il a nommé en août 2006 un proche – fang comme lui, rompant au passage la règle tacite qui veut que la primature revienne à un Bubi – au poste de Premier ministre pour accélérer l’action d’un gouvernement souvent fustigé pour son « inertie ». Ricardo Mangué Obama Nfubea a promis de lutter contre la corruption et d’améliorer la situation des droits de l’homme. Des fonctionnaires sont régulièrement sanctionnés, le président a créé en février une Agence nationale d’enquêtes financières (Anif) afin d’améliorer la transparence mais, pour la population, un certain nombre d’entre eux restent encore intouchables. En fait, les plus grandes réussites concernent le développement des infrastructures routières et la construction (bâtiments publics, hôtels, stades, centres de santé, logements sociaux). Les grues et les bulldozers sont à pied d’uvre sur l’île de Bioko et dans la partie continentale. Les autorités ont également commencé à moderniser l’administration et la législation avec l’appui de conseillers étrangers et des agents du Fonds monétaire international (FMI). Mais, surtout, les pouvoirs publics se projettent dorénavant vers l’avenir.
Au développement anarchique des débuts se substituent des plans plus réfléchis. Tel est le sens de la dernière Conférence économique nationale qui s’est tenue du 12 au 14 novembre à Bata, dans la métropole économique. Précédée d’un important travail préparatoire, cette rencontre a permis de faire le bilan des actions engagées depuis le début de l’ère pétrolière. Les participants ont dressé un constat très simple : la croissance à deux chiffres du pays est fragile. Elle résulte d’une progression rapide de la production liée à une flambée des cours avec un baril culminant à près de 100 dollars. Or cette manne ne sera pas éternelle et la richesse reste très mal partagée. Un sondage récent montre que 84 % de la population considère ne pas bénéficier des retombées de l’or noir. Fortes de cette analyse, les autorités ont élaboré un Plan de développement national et un millier de propositions. Différents scénarios ont été échafaudés à court, moyen et long termes (2020). Le gouvernement entend promouvoir une agriculture moribonde, développer une pêche à fort potentiel et les agro-industries. Prenant exemple sur les dragons asiatiques, les autorités aimeraient rendre leur pays attractif sur le plan du commerce et des technologies. Ils misent sur les investissements, notamment dans l’industrie (pétrochimie), le tourisme, les télécommunications et les services. Des ambitions louables mais qui se heurtent à un certain nombre d’obstacles.
Il faudra d’abord élever fortement le niveau de l’enseignement, de la formation professionnelle et de l’expertise des Équatoguinéens. Formés aux quatre coins de la planète, et pour beaucoup dans des pays communistes, les cadres nationaux ne sont pas encore à niveau, malgré les efforts réalisés. Ensuite, les autorités devront lutter plus intensément contre la corruption présente à tous les niveaux de la société. Enfin, les entrepreneurs demandent une politique plus attractive en matière d’investissements, incompatible avec le fort regain de nationalisme économique qui oblige toutes les sociétés étrangères à ouvrir leur capital à des opérateurs locaux. Reste la situation des droits de l’homme et de la justice. Un domaine dans lequel des progrès ont été enregistrés, mais où l’arbitraire est encore trop souvent de mise.

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