Un paradoxe de plus

Publié le 10 décembre 2007 Lecture : 2 minutes.

Le spectacle se reproduit quotidiennement à Lagos : après avoir roulé toute la journée, les taxis jaunes s’agglutinent en files désordonnées aux abords des stations-service, faisant enfler les go-slows, ces interminables embouteillages qui paralysent la capitale économique du Nigeria. Premier producteur africain de pétrole et onzième mondial, le pays le plus peuplé du continent – 140 millions d’habitants – souffre d’une pénurie chronique d’essence raffinée. Les majors ont beau extraire 1,8 million de barils de pétrole brut chaque jour dans la région du Delta du Niger, dans le sud du pays, l’essentiel de la production est exporté tel quel en Occident (dont près de 50 % aux États-Unis). La majeure partie de la consommation nationale, elle, est importée. La flambée du prix du baril est à double tranchant pour le Nigeria
D’un côté, elle permet à la Banque centrale d’engranger de considérables réserves de devises. À la fin de 2006, elles s’élevaient à 43 milliards de dollars. La quasi-totalité provient des hydrocarbures, qui représentent 95 % des exportations. Théoriquement, une manne pour un pays dont 70 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Mais, de l’autre, Abuja pâtit d’une envolée des cours, qui devrait être indolore. En 2006, le pays a dépensé 2 milliards de dollars en importations d’hydrocarbures raffinés. A priori, il a pourtant les moyens de transformer son pétrole brut : il dispose de quatre raffineries, dont la capacité combinée s’élève à 445 000 barils par jour, pour une consommation nationale quotidienne de 200 000 barils. Mais faute d’entretien, les installations fonctionnent nettement en deçà de leur potentiel et ne produisent que 66 000 barils par jour. Le Nigeria est donc contraint d’importer la différence, soit l’équivalent de 134 000 barils/j de produits raffinés.
En regard des sommes amassées par la Banque centrale, un baril à 100 dollars n’aurait toutefois que des effets modérés sur la balance commerciale. Le Nigeria ne perd pas en importations ce qu’il gagne en exportations, loin de là. Pour 2008, la loi de finances table sur un baril à 53 dollars, soit une promesse de 35 milliards de recettes sur l’année, contre 2,6 milliards de dépenses en achats de pétrole raffiné (somme calculée à partir d’un baril à 53 dollars et d’un niveau d’importation de 134 000 barils par jour). Mais, pour l’économie du premier producteur d’or noir du continent, c’est un manque à gagner. Et ce n’est pas le seul : de 2,5 millions de barils par jour en 2005, la production a chuté à 1,8 million en 2006 sous l’effet des violences perpétrées par les milices du Delta du Niger, qui réclament un meilleur partage des richesses. Pour ces dernières comme pour les Nigérians en général, le baril à 100 dollars ou à 70, il n’y a pas de différence : depuis le début de l’exploitation, la manne pétrolière n’a rien changé à leur quotidien. Il a même empiré.

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