Scènes algériennes

Publié le 10 décembre 2007 Lecture : 2 minutes.

Me voici à Alger, étonnante capitale en pente, à l’occasion de la visite de Nicolas Sarkozy. Un voyage au Sud, toujours fort, émouvant, « bousculant ».
Il y a d’abord le pays lui-même, l’Algérie. Rude, comme rocailleuse, l’âme à vif. Blessée de tant de guerres. L’Algérie, fière, excessive, nationaliste, sans complexe, enthousiasmante et déprimante à la fois. L’Algérie, paradoxale, avec cet État devenu si riche et cette nation demeurée si pauvre.
Il y a, au-delà d’Alger, cette visite à Constantine, ville belle et triste à la fois. Il y a l’université de Mentouri, comme un reflet de l’algérianité d’aujourd’hui, orgueilleusement posée sur son rocher, conçue par le célèbre architecte Oscar Niemeyer (en 1971), aujourd’hui délabrée, fissurée, vieillie, et tout de même extraordinairement vivante avec ses 70 000 étudiants. On croise ces jeunes femmes nombreuses, souriantes mais dont l’immense majorité porte le voile. On toise ces garçons un brin provocateurs, visiblement tenaillés par les questions d’identité et de foi, railleurs de cette France à leurs yeux si méprisante. Et pourtant, beaucoup rêvent du visa, du voyage qui les éloignerait de diplômes inutiles, ou presque. Il y a cette marche dans Constantine et cette absence stupéfiante de commerces, de publicités, de boutiques, de supérettes, d’entreprises, d’une vie économique privée, et cette sensation, que, du coup, tout est possible, tout est à faire, que les meilleures années sont devant soi.
Il y a cette Algérie que l’on sent lentement émergente, le regard tourné vers demain, et cette Algérie en colère, tenaillée par son passé, obsédée par ses fantômes. Au Sud, le colonialisme, l’asservissement, l’exploitation sont restés comme des blessures à l’âme qui transcendent le temps, se transmettent des grands-pères aux pères et aux petits-fils. Un traumatisme collectif profond qui définit l’identité commune. La France et les « Blancs » d’une manière générale ne comprennent pas ou font semblant de ne pas comprendre. Pour eux, l’empire colonial, c’est de l’histoire lointaine. Consternant alors, que cette exigence algérienne se brouille par l’inacceptable violence des commentaires de certains, par les attaques personnelles et l’antisémitisme écurant d’autres.
Au-dessus de ce volcan à peine endormi, il y a Abdelaziz Bouteflika, président que l’on dit vieux, silhouette fragile au regard bleu, et qui pourtant semble contrôler de sa main toute la démesure et la violence possible de sa nation.
Il y a Nicolas Sarkozy, enfin. Un personnage, vraiment, en le regardant de près. Énergique, nerveux, « à fond », sûr de ses certitudes, décomplexé, ambitieux, colérique ou chaleureux, agressif ou séducteur, ou tout en même temps. Entouré d’une cohorte de conseillers dévoués corps et âme, et de ministres silencieux. Les Algériens ne l’aiment pas. Mais voilà un président qui, dans son genre, en aura dit plus sur la culpabilité du système colonial que tous ses prédécesseurs réunis. Et qui aura fait beaucoup plus que les autres pour relancer la relation franco-algérienne. Et dont l’idée d’une Union méditerranéenne, bien que fortement improbable, porte la marque d’une certaine audace.

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