Quand les prix dérapent

Les exportations progressent, les finances publiques affichent une santé insolente, les investissements se multiplient… mais l’inflation doit encore être stabilisée.

Publié le 10 décembre 2007 Lecture : 4 minutes.

Bonne nouvelle. Après un net ralentissement observé ces deux dernières années à la suite du repli de la production pétrolière (- 4,5 % en 2006), la Guinée équatoriale renoue avec une forte croissance. En 2007, la hausse du PIB atteindra 21,5 %, contre 5 % un an auparavant (4 462 milliards de F CFA). Une performance qui résulte « de l’augmentation de la production de gaz et de la poursuite de la construction des infrastructures publiques », explique le ministre des Finances et du Budget, Marcelino Owono Edu. Sans oublier la forte hausse du prix du baril.

Le brut en léger repli
Plus que le brut, le pays mise désormais sur le gaz et ses dérivés, dont les exportations s’élèvent actuellement à 1,6 million de tonnes par an. L’inauguration en octobre du premier train de gaz naturel liquéfié de la société EG-LNG devrait porter ce volume à plus de 3,4 millions de tonnes dès 2008 et à 8 millions de tonnes dans l’hypothèse de la construction d’un second train pour lequel le gouvernement recherche actuellement des financements. Le « peak oil » équato-guinéen a-t-il été atteint ? En l’absence de nouvelles découvertes, les exportations de brut devraient continuer de décliner (16,7 millions de tonnes en 2007, contre 17,1 en 2006 et 17,9 en 2005) du fait, notamment, du tassement de la production du champ Zafiro.

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L’huile et le riz s’envolent
La Guinée équatoriale continue néanmoins de monter en puissance et elle le fait savoir. Grâce aux hydrocarbures, qui représentent toujours plus de 95 % du PIB, tous les signaux sont au vert, à l’exception d’un niveau d’inflation relativement élevé au sein de la zone de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), de l’ordre de 6 %. Cette envolée touche principalement les denrées de première nécessité dont certaines, comme le sucre, le riz et l’huile, ont vu leur prix doubler, voire tripler en quelques semaines. De quoi soulever certaines inquiétudes au moment où beaucoup attendent encore de voir les fruits de la croissance équitablement répartis. « La situation provoquée par cette hausse nécessite une réaction urgente, car elle contribue à la souffrance de la population », a récemment souligné le président de la Chambre des représentants du peuple, Salomon Nguema Owono.
D’autant que la décision prise par le gouvernement en décembre 2006 de plafonner les prix n’a eu que peu d’effet auprès des commerçants. Plus concrètement, un sac de riz de 50 kg vendu 12 000 F CFA en août dernier en vaut désormais 23 000. Le litre d’huile coûte 3 000 F CFA, contre 700 il y a six mois. De fait, alors que les salaires en Guinée équatoriale sont parmi les plus élevés d’Afrique (le salaire minimum mensuel est fixé à près de 97 000 F CFA) et que ceux des agents de la fonction publique ont augmenté de 35 % en 2006, le phénomène inflationniste tend à réduire les bénéfices de cette hausse. Mais il souligne parallèlement la forte demande intérieure qui découle du dynamisme économique. Sensible depuis plusieurs années, ce dernier ne fait que s’accélérer à l’approche du 12 octobre 2008, date du quarantième anniversaire de l’indépendance. Il suffit d’arpenter les rues de Malabo comme celles de Bata pour s’en convaincre. Si, en termes de développement humain, la Guinée équatoriale n’arrive qu’au 127e rang sur les 177 pays listés par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), de grandes mutations s’opèrent, qui modifient durablement le profil du pays. « Les autorités réinvestissent massivement dans les infrastructures. Elles veulent éviter le mal hollandais. On sent que l’argent circule. La rente pétrolière est moins cannibalisée qu’ailleurs », souligne un observateur. De fait, le budget de l’État et les investissements affectés à de nouveaux projets s’accroissent de façon exponentielle. En 2006, 40 % du PIB, estimé à 4 462 milliards, ont été réaffectés à de l’investissement, notamment dans des infrastructures de base, ou placés dans des fonds de réserve. Le budget connaît lui aussi une évolution positive avec des recettes établies à 2 123 milliards en 2006, contre 1 410 milliards en 2005. Premier pays exportateur d’Afrique par rapport au nombre d’habitants, dopé par la hausse de ses recettes pétrolières, la Guinée équatoriale affiche une dette quasi nulle. Une situation rare sur le continent. Signe qui ne trompe pas, « un certain nombre de ressortissants de la diaspora rentrent au pays », explique un diplomate en poste à Malabo.
L’environnement des affaires accompagne-t-il ce boom économique ? La Guinée équatoriale montre toujours de sérieuses insuffisances comme un appareil statistique défaillant, une absence de personnel qualifié et un nombre insuffisant de structures de soutien au secteur privé. « Il existe un certain nombre de règles non écrites qu’il faut impérativement connaître », précise un expatrié. Même s’il reste difficile, le climat, malgré tout, s’améliore. « Il n’a rien de commun avec ce que nous connaissions il y a encore six ans, souligne un consultant européen, le racket fiscal a quasiment disparu. » Des insuffisances persistent, qui sont à l’origine d’un raidissement observé ces derniers mois par le FMI à l’encontre de Malabo.

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