Mémoire(s) vive(s)

Publié le 10 décembre 2007 Lecture : 2 minutes.

L’Algérie n’est pas le Maroc et Sarkozy n’est pas Chirac. L’accueil qu’ont réservé les Algériens au président français lors de sa visite d’État n’a rien à voir avec les fastes déployés par les Marocains fin octobre lors de la venue de Sarkozy, ou avec la ferveur populaire qui entoura la visite de Jacques Chirac à Alger et à Oran, en mars 2003. Affaire de personnes, mais aussi de contexte.
Certes, l’héritage colonial empoisonne encore, quarante-cinq ans après, les relations entre l’Algérie et la France. Les hommes politiques algériens, depuis cette fameuse loi du 23 février 2005 vantant les « aspects positifs de la colonisation », exigent toujours des excuses que Nicolas Sarkozy refuse de présenter. Chaque camp tente de faire accepter à l’autre sa vision, forcément subjective, de l’Histoire. Et dans ce bras de fer, chacun commet son lot de maladresses.
Si Sarkozy a été fraîchement accueilli, ce n’est pas seulement à cause de son aversion pour la repentance. Les Algériens d’en haut ou d’en bas nourrissent à son égard bien d’autres griefs : ses déclarations sur ceux « qui égorgent des moutons dans leur baignoire » ou sur la « racaille » des banlieues, ses positions atlantistes et pro-israéliennes, sa politique d’immigration, ou encore ses atomes crochus avec le rival marocain.
Nicolas Sarkozy n’est pas la tasse de thé des Algériens – et sa présence à la tête de l’État français explique en partie leur défiance vis-à-vis de l’ex-puissance coloniale -, mais les politiques algériens ne sont pas pour autant exempts de reproches. User et abuser de la rhétorique antifrançaise pour des raisons populistes n’aide pas à dépassionner le débat. D’autant que la guerre remonte à plus d’un demi-siècle, et que l’immense majorité de la population ne l’a pas vécue et y attache assez peu d’importance.
Il faudra du temps, une quinzaine d’années au moins, pour que le passé cesse de parasiter cette drôle d’amitié entre les deux pays. Le temps que la génération de l’indépendance, au pouvoir à Alger, cède la place. Le temps aussi pour la France d’apprendre à s’adresser aux Algériens et de se comporter en véritable partenaire. Pour parler d’autre chose que de milliards d’euros, comme à chaque voyage de Sarkozy (5 en Algérie, 3 au Maroc, 20 en Chine). Pour que ces milliards ne concernent pas uniquement le secteur des hydrocarbures mais contribuent au développement et à la diversification de l’économie algérienne. Pour que les investisseurs français ne soient plus les seuls à se plaindre de la bureaucratie d’Alger. Pour que les 4 millions de Français d’origine algérienne ne se sentent plus obligés de choisir entre les deux pays. Pour que La Marseillaise ne soit plus sifflée au Stade de France. Pour que les Algériens ne soient plus les seuls ressortissants du Maghreb à voir leurs visas distribués au compte-gouttes. Bref, pour enfin tourner une page qui menace de se déchirer.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires