Tunisie, Sénégal, Angola : l’Afrique en ordre dispersé face à la transparence fiscale

Si la lutte contre l’évasion fiscale a permis au continent de collecter plus de 34 millions d’euros en 2020, les progrès dans ce domaine sont encore trop lents.

Des billets de 100 dollars © CC Creative Commons / Pixabay

Des billets de 100 dollars © CC Creative Commons / Pixabay

ESTELLE-MAUSSION_2024

Publié le 26 mai 2021 Lecture : 3 minutes.

Plus de 34 millions d’euros récupérés en 2020 et plus de 1,2 milliard depuis 2009. Tels sont les résultats sonnants et trébuchants, collectés sous la forme d’impôts, intérêts et pénalités, de la lutte contre l’évasion fiscale sur le continent africain.

Entre 50 et 80 milliards de dollars par an échappent aux États africains

Ces chiffres sont issus du rapport Afrique du Forum mondial sur la transparence et l’échange du renseignement à des fins fiscales de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) publié le 26 mai.

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Une goutte d’eau dans la mer

Pour certains, il s’agit d’une goutte d’eau dans la mer au regard de l’importance des flux financiers illicites sur le continent, qui font perdre aux États africains entre 50 et 80 milliards de dollars par an.

« En l’absence de fuite de capitaux, le revenu par habitant serait supérieur de 1,5 % et le taux de pauvreté inférieur de près de deux points de pourcentage en Afrique », reconnaît d’ailleurs le rapport.

Les progrès des pays africains sont inégaux

Pour d’autres, dont le Forum mondial de l’OCDE, la Commission de l’Union africaine (UA) et le Forum sur l’administration fiscale africaine (ATAF), qui publient conjointement le document, ils témoignent des progrès réalisés depuis le lancement en 2014 d’une « Initiative Afrique » qui réunit aujourd’hui 32 pays* et onze partenaires, dont la Banque mondiale, la Banque africaine de développement (BAD), la commission de l’UA et l’Union européenne pour améliorer la transparence fiscale sur le continent.

La Tunisie, bon élève

Alors qu’en 2014 seul 4 % des autorités fiscales africaines considéraient les échanges d’informations comme prioritaires, cette part a bondi à 68 % en 2020. En outre, 86 % des pays ont mis en place des autorités compétentes, 69 % ont installé des unités d’échange de renseignements, 72 % ont rédigé un manuel d’échange de renseignements, et 59 % ont instauré des outils de suivi.

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« Les progrès des pays africains dans l’utilisation de la transparence fiscale et de l’échange de renseignements sont inégaux », pointe toutefois le rapport.

L’Afrique du Sud, le Kenya et l’Ouganda sont dans le bon tempo

« La Tunisie est un bon exemple des avantages qu’un pays peut tirer de la transparence et de l’échange d’informations », souligne pour Jeune Afrique la Brésilienne Zayda Manatta, cheffe du secrétariat du Forum mondial.

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Membre depuis 2012 du Forum, le pays a collecté près de 5 millions de dollars supplémentaires entre 2018 et 2019 grâce à l’« Initiative Afrique ». « À lui seul, il est responsable de 62 % de toutes les demandes de renseignements envoyées par les pays africains », ajoute la responsable.

Outre la Tunisie, trois autres pays font figure de bons élèves, ayant efficacement eu recours sur les trois dernières années à l’échange de renseignements, à savoir l’Afrique du Sud, le Kenya et l’Ouganda.

Angola, Congo et Zambie à la traîne

L’étape suivante, l’échange automatique des données, n’a été franchie que par un nombre restreint de pays : le Nigeria l’a fait en 2020, rejoignant ainsi rejoint le Ghana, l’Île Maurice, les Seychelles et l’Afrique du Sud. Le Maroc et le Kenya se sont engagés à lancer le processus en 2022.

L’intérêt des administrations fiscales va crescendo

Le Sénégal s’illustre sur une pratique précise : l’assistance transfrontalière au recouvrement, qui permet à un État de connaître les avoirs détenus à l’étranger par ses contribuables. Le pays a utilisé « cette forme d’assistance dans sept cas de recouvrement d’impôts au cours des cinq dernières années avec trois juridictions en Europe, deux juridictions en Afrique et une juridiction dans les Caraïbes ». « Au total, près de 3,3 millions de dollars ont déjà été recouvrés pour le Sénégal dans deux de ces cas », met en avant le rapport.

>> A LIRE – Évasion fiscale : plus de 244 millions de dollars recouvrés auprès des multinationales en Afrique

Reste que les efforts sont trop lents dans plusieurs autres pays, membres ou non de l’initiative. C’est le cas de six pays en particulier – Angola, Congo, Gambie, Sierra Leone, Zambie et Zimbabwe – non membres de l’« Initiative Afrique » mais qui ont tout de même contribué au rapport.

« L’utilisation de l’échange de renseignements dans la mobilisation des revenus est très limitée dans ces pays malgré un intérêt croissant pour ce sujet au sein de leurs administrations fiscales respectives », conclut le rapport.

*Les 32 pays membres sont : Afrique du Sud, Bénin, Botswana, Burkina Faso, Cameroun, Cap Vert, Côte d’Ivoire, Djibouti, Égypte, Eswatini, Gabon, Ghana, Guinée, Kenya, Lesotho, Liberia, Madagascar, Mali, Maroc, Mauritanie, Maurice, Namibie, Niger, Ouganda, Rwanda, Sénégal, Seychelles, Tanzanie, Tchad, Togo, Tunisie.

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