Les raisins de la colère

Pourquoi de mystérieux vandales s’acharnent-ils sur un jeune agriculteur du Sud-Ouest ? À cause de ses origines kabyles ?

Publié le 10 décembre 2007 Lecture : 2 minutes.

Agriculteur à Vigouse, près de Castelsarrasin, dans le sud-ouest de la France, Tewfik Khenouche (28 ans) vient de perdre sa récolte. Pour la troisième année consécutive. Dans la nuit du 25 au 26 novembre, des inconnus se sont introduits dans le hangar où il stocke le raisin prêt à la commercialisation. « Ils ont troué les sacs contenant les grappes et y ont déversé des litres et des litres d’essence, soupire-t-il. Résultat : presque 120 000 euros de manque à gagner. Mais ceux qui s’acharnent sur moi se trompent s’ils croient que je vais lâcher prise. »
Depuis trois ans, ce jeune Français d’origine kabyle (ses parents ont quitté l’Algérie à la veille du déclenchement de l’insurrection armée, en 1954) est victime d’actes de vandalisme accompagnés de menaces racistes. En décembre 2005, il découvre un tag ordurier sur un mur de sa propriété, rachetée quelques années auparavant à un agriculteur du coin : « Dehors les Arabes ! » Quatre jours plus tard, comme par hasard, son hangar de 600 m2 s’enflamme. La récolte est entièrement détruite. Tewfik porte plainte contre X, mais l’enquête des policiers de Castelsarrasin est classée sans suite, faute de lien avéré entre l’incendie et les propos racistes. « Ils ont fait le minimum syndical », juge-t-il. À cause d’un problème d’assurance, il ne touchera pas un centime d’indemnité.
Nullement découragé, Tewfik se remet à l’ouvrage. Mais le 20 novembre 2006, bis repetita : un incendie ravage un nouveau hangar spécialement aménagé pour stocker le raisin. Le lendemain des fêtes de Noël, il reçoit deux courriers anonymes : « Bâtard d’Arabe, on va t’achever. » Il dépose une deuxième plainte, puis tente d’alerter les médias, les élus locaux, les mouvements antiracistes Les témoignages de soutien affluent. En septembre, le juge d’instruction de Montauban confie l’enquête aux gendarmes et, le mois suivant, l’agriculteur engrange une belle production. Avant que les vandales ne repassent à l’action.
Qui en veut à Tewfik Khenouche ? Des concurrents jaloux de sa réussite ? De gros exploitants locaux qui admettent mal qu’un jeune paysan marche sur leurs plates-bandes ? Des racistes résolus à se payer un « Arabe » ? « Pas la moindre idée, soupire-t-il. Je ne fréquente pas le milieu agricole et ne suis membre d’aucun syndicat. Quand je ne suis pas dans mes champs, je joue du rock avec mon groupe. Je suis fier de mes racines, mais je suis un Français à part entière. »

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