Le Maroc lance sa « paix des braves »

À la veille du congrès du Polisario et de la reprise des pourparlers de Manhasset, Rabat propose au leader indépendantiste Mohamed Abdelaziz de présider la future autonomie du Sahara occidental.

Publié le 10 décembre 2007 Lecture : 3 minutes.

C’est à Tifariti, localité fantôme au cur du no man’s land qui s’étend entre le mur de défense marocain et la frontière algérienne, que le Front Polisario tiendra, du 14 au 16 décembre, son prochain congrès. À moins d’un mois de la reprise, le 7 janvier à Manhasset, aux États-Unis, de leurs négociations avec le Maroc, sous l’égide de l’ONU, les dirigeants indépendantistes comptent à cette occasion réitérer leur refus du plan d’autonomie interne proposé par Mohammed VI et considéré comme une hypothèse de travail sérieuse par le Conseil de sécurité.

Un choix symbolique
Le choix même de Tifariti, à portée de jumelles des lignes de l’armée marocaine, est symbolique de cette position dure à laquelle Rabat a choisi de répondre par la voix d’un ancien ministre des Affaires étrangères de la République arabe sahraouir démocratique (RASD) rallié au royaume il y a quinze ans : Brahim Hakim. Ambassadeur itinérant directement rattaché au Palais, Hakim, qui était de passage à Jeune Afrique le 6 décembre, estime que « le seul sujet qui vaille d’être traité à ce congrès est justement le Plan d’autonomie marocain. La direction du Front doit savoir qu’elle aura un rôle central, et même fondamental, à jouer, en tant que telle, dans toutes les institutions de l’autonomie, pour peu qu’elle l’accepte », poursuit-il, avant de reprendre à son compte une proposition déjà formulée officieusement il y a un an par le patron du Corcas, le Parlement transitoire sahraoui, Khalihenna Ould Errachid : « Mohamed Abdelaziz lui-même pourrait, c’est envisageable, en être le président. L’appel que je leur lance est donc clair : ne laissez pas passer cette chance unique de sortir de l’impasse. »
Opération séduction donc, mais qui, si l’on en croit Hakim, correspondrait à l’état d’esprit des populations des camps. « Le téléphone cellulaire a changé beaucoup de choses : désormais, on est parfaitement informé de ce qui se passe dans la hamada de Tindouf. Les gens jugent la situation intenable. »

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Seule l’Afrique du Sud…
Reste que l’on voit très mal le secrétaire général du Polisario et président de la RASD, Mohamed Abdelaziz, au pouvoir depuis plus de trente ans, consentir in extremis à mettre à l’ordre du jour du prochain congrès un plan marocain jugé inacceptable par l’Algérie. En dehors de cette dernière, la RASD, jadis reconnue par plus de soixante-dix États contre une trentaine aujourd’hui, n’est plus soutenue en effet que par un seul pays dont la voix compte vraiment : l’Afrique du Sud. La marge de manuvre de ses dirigeants est donc des plus réduites.
« Si l’Union africaine procédait aujourd’hui à un nouveau vote, la RASD n’y serait pas admise et le Maroc réintégrerait ipso facto toutes les instances panafricaines », assure Brahim Hakim, en expert : ne fut-il pas, en 1982, l’un des principaux artisans de l’admission de l’entité sahraouie au sein de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) ? Même si la Charte de l’Union africaine (UA) ne prévoit pas de « dé-reconnaissance », l’émissaire du roi reste persuadé que « l’UA ne pourra pas éternellement conserver en son sein un État fiction ».
En attendant, c’est bien à Tifariti, « territoire libéré » selon les indépendantistes, « territoire marocain, donc choix provocateur envers nous et geste de défi à l’égard du Conseil de sécurité de l’ONU », selon Brahim Hakim, que le Front Polisario compte tenir ses assises le week-end prochain. Il ne faut pas être grand marabout pour prévoir qu’il y sera beaucoup question de référendum d’autodétermination. Et que la proposition marocaine d’autonomie y prendra, dans les discours officiels, les allures maléfiques des sirènes de l’Odyssée. Le lieu, il est vrai, ne prête guère au compromis.

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