Élections en eaux troubles

Le candidat de la gauche au pouvoir est opposé à deux challengeurs conservateurs pour la présidentielle du 19 décembre. Sur fond de corruption généralisée.

Publié le 10 décembre 2007 Lecture : 4 minutes.

Alors que depuis le 27 novembre fleurissent sur les murs de Séoul les affiches multicolores des douze candidats à l’élection présidentielle du 19 décembre, dans les ruelles du marché de la Grande Porte de l’Est, les commentaires sont acerbes. Les quinze gamines en tenue mauve qui se dandinent entre les étals de piments et de cochonnaille en chantonnant les slogans des candidats n’attirent que soupirs désabusés. Pas un jour sans que les médias ne révèlent une nouvelle affaire de corruption : falsifications de CV, trafic d’influence, emplois fictifs Tous les milieux sont touchés, hommes politiques et journalistes, mais aussi professeurs d’université, architectes, moines haut placés dans la hiérarchie du clergé bouddhiste et même une vedette du show business. Lassés par cet « automne de tous les scandales », les Coréens n’ont guère envie de se rendre aux urnes. Les sondages annoncent un taux d’abstention record.
Le dernier scandale en date éclabousse Roh Moo-hyun, l’actuel président de centre gauche (à qui la Constitution interdit de se représenter). En 2004, son propre conseiller anticorruption se serait vu offrir par Samsung Electronics des « étrennes » (ttokgap, c’est-à-dire, littéralement : « de l’argent pour acheter des gâteaux de riz »), d’un montant de 5 millions de wons (5 500 dollars). Broutilles ? Sans doute. Sauf que le PDG de Samsung étant, depuis plus d’un mois, confronté à de graves allégations de corruption, l’affaire est devenue si sensible que Roh Moo-hyun a été contraint de jurer publiquement que ni lui ni son gouvernement n’avaient reçu de pots-de-vin. Puis d’accepter qu’une enquête indépendante soit diligentée.
L’envoi de troupes en Irak, la politique de réconciliation avec la Corée du Nord et la tentative ratée de déplacer la capitale hors de Séoul ont déjà tellement fait chuter la cote de popularité du chef de l’État que Chung Dong-yong, le candidat de gauche progouvernementale, plafonne à 12 % d’intentions de vote. Cet ancien ministre de la Réunification reconnaît d’ailleurs volontiers l’échec de l’administration Roh. S’il venait néanmoins à être élu, il poursuivrait sans nul doute la politique de rapprochement avec Pyongyang, symbolisée, le 11 décembre, par l’inauguration de la première liaison ferroviaire entre les deux Corées.

Modèle suédois
Chung se veut le candidat d’une Corée « familiale et équitable » dans laquelle les 40 millions de citoyens appartiendraient tous à la classe moyenne. Une Corée sociale sur le modèle norvégien ou suédois. L’accent est donc mis sur l’éducation, le logement, les retraites et le chômage des jeunes. Avec promesse d’une réforme en profondeur du gouvernement, mais aussi d’une hausse des impôts et des taxes sur certaines transactions boursières.
Mais la candidature « indépendante » du populaire Lee Hoi-chang, fondateur du Grand Parti national (GPN), pourrait bousculer la donne et faire le jeu de la gauche au pouvoir en divisant les voix de l’opposition. Conservateur dogmatique qui fut candidat malheureux aux élections de 1997 et de 2002, Lee Hoi-chang recueillait fin novembre 18,6 % des intentions de vote. Cet ancien juge de la Cour suprême se présente comme un « homme de loi et de principes », en dépit des nombreuses accusations de corruption qui pèsent sur lui. Il souhaite mettre fin à ce qu’il appelle la « dictature gauchiste » et renouer avec une politique de fermeté vis-à-vis de la Corée du Nord, afin d’éviter une catastrophe nucléaire. Il a lancé sa campagne en exploitant ouvertement les accusations de malversations visant le favori de la course à la présidence, Lee Myung-bak, le candidat officiel du GPN.

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Tiercé gagnant
S’il caracole en tête des sondages avec 39 % d’opinions favorables, ce dernier n’échappe pas non plus à la vague de scandales. À quelques semaines du scrutin, les accusations pleuvent : emplois fictifs de ses enfants, fausse déclaration de résidence Plus grave, l’un de ses anciens associés en fuite aux États-Unis (il devrait être extradé ce mois-ci) est inculpé de blanchiment d’argent et de détournements de fonds.
Lee Myung-bak (65 ans) reste pourtant populaire en raison de ses succès passés dans la gestion de la capitale. D’origine modeste, sinon misérable, il est surnommé le « bulldozer » : parti de rien, il est arrivé à la tête du groupe Hyundai, puis de la ville de Séoul (2002-2006), dont il a profondément modifié le visage. Son programme séduit une Corée avide de réussite économique. Il s’engage à diminuer les impôts, mais, surtout, fait une promesse en forme de slogan : la « Corée 7-4-7 ». Soit : 7 % de croissance pendant les dix ans à venir, 40 000 dollars de revenu par habitant avant 2017 et une place parmi les 7 premières puissances mondiales.
La nostalgie du miracle économique des années 1970 reste ici très présente. Lee Myung-bak le sait et, comme d’ailleurs l’autre candidat conservateur, il a tenu à se rendre sur la tombe du général Park Chung-hee, qui, avec une poigne de fer, releva l’économie du pays (1963-1979). Bref, le « 7-4-7 » de l’ancien maire de Séoul pourrait bien être le tiercé gagnant.

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