La transparence, entre pratique et rhétorique

Plusieurs pays producteurs d’Afrique entretiennent encore une certaine opacité autour des chiffres d’extraction et de vente.

Publié le 10 décembre 2007 Lecture : 3 minutes.

Aucune autre matière première ne génère autant d’argent. Le pétrole, en Afrique, rapporte actuellement plus de 1 milliard de dollars par jour, dont plus ou moins 30 % reviennent aux pays producteurs. De quoi susciter la convoitise des compagnies étrangères comme des gouvernants assis sur plus de 100 milliards de barils de réserves à près de 100 dollars chacun.
La précieuse huile, encore gérée par certains dirigeants de manière discrétionnaire, nourrit une corruption inégalée que les efforts de la société civile et des institutions financières internationales n’ont pas permis d’enrayer. Pourtant, le combat d’organisations comme Global Witness et la coalition « Publiez ce que vous payez » permet d’y voir un peu plus clair. Dans une moindre mesure, le harcèlement des fonds vautours à l’affût du moindre faux pas de chefs d’État et de leur entourage qui mènent grand train à l’étranger, alors que leur pays n’honore pas ses dettes, est également révélateur de certains abus. Enfin, devant la pression de l’opinion publique, les bailleurs de fonds ont fait de la transparence des activités extractives une condition pour bénéficier d’allègements de dette consentis à certains pays africains. Le FMI et la Banque mondiale commencent à avoir accès à certaines données et conseillent vivement aux États d’adhérer à l’Initiative sur la transparence des industries extractives (EITI), lancée en 2002 par le Premier ministre britannique Tony Blair. Celle-ci prévoit notamment la publication des montants versés aux États producteurs par les sociétés exploitantes. Neuf pays africains (Cameroun, Ghana, Guinée, Gabon, Liberia, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria) en appliquent déjà certains principes et sept autres sont candidats (Tchad, RD Congo, Guinée équatoriale, Congo, Sierra Leone, Madagascar et São Tomé). Pays réputé pour sa discrétion, le Gabon a ainsi publié récemment les revenus nationaux pétroliers et miniers de 2005. Les informations restent néanmoins partielles et difficilement vérifiables puisque seuls les montants tirés de la vente du « profit oil » (part de la production de brut qui revient à l’État) sont mentionnés et non les quantités vendues par la société Petrolin, qui détient l’exclusivité du négoce. Chez le voisin congolais, la justice britannique a démontré que des sociétés écrans, contrôlées par des proches du pouvoir, achetaient le pétrole de la Société nationale des pétroles du Congo (SNPC) à des prix inférieurs aux cours mondiaux. Ces dernières revendaient, par la suite, le brut au prix du marché, engrangeant au passage de prodigieux bénéfices. Le journaliste français Xavier Harel, sur la base des rapports du cabinet d’audit KPMG, estime que 1 milliard de dollars se seraient évaporés entre 2003 et 2005 (voir Afrique, pillage à huis clos, éditions Fayard, 2006).

Omerta à l’ivoirienne
En Angola, les comptes sont encore plus opaques. Et les tentatives de clarification s’avèrent laborieuses. Ainsi, une seule compagnie, Bristish Petroleum (BP), a rendu public en 2001 le montant des bonus attribués à l’État angolais en contrepartie de permis pétroliers. La réponse ne s’est pas fait attendre : la direction de la Société nationale des hydrocarbures (Sonangol) a menacé le groupe, et tout autre qui compterait l’imiter, de lui retirer ses concessions. Plus récemment, en février 2007, une experte de l’ONG Global Witness, Sarah Wykes, a été arrêtée alors qu’elle enquêtait sur la transparence du secteur pétrolier. Elle a été accusée d’atteinte à la sécurité nationale, avant d’être relâchée un mois plus tard. Les méthodes recensées pour détourner les revenus pétroliers ne manquent pas. On peut, par exemple, sous-estimer la qualité du brut vendu ou la quantité livrée en contrepartie de substantielles commissions versées par les acheteurs. Il y a aussi les fameuses cargaisons « fantômes », ces tankers non déclarés dont le contenu s’évapore mystérieusement.
En Côte d’Ivoire, les hydrocarbures sont gérés de manière encore très opaque. Les chiffres de production sont communiqués au compte-gouttes et ne sont pas recoupés avec ceux des sociétés exploitantes. Le pays produit, au gré des annonces, entre 40 000 et 80 000 barils par jour. Le FMI et la Banque mondiale soupçonnent le pouvoir d’avoir créé une nouvelle caisse noire, après celle du cacao. Et exigent des autorités qu’elles publient mensuellement le montant des flux tant physiques que financiers liés à l’activité pétrolière. La Banque mondiale a récemment réalisé des audits dans les différents secteurs (gaz, pétrole et électricité) mais se garde bien de les publier.

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