La malédiction de l’or noir

Publié le 10 décembre 2007 Lecture : 2 minutes.

Au cours du premier semestre de 2007, l’État tchadien a encaissé des redevances pétrolières, impôts et taxes pour un montant total de 757 millions de dollars. En 2003, au début de l’exploitation du champ pétrolier de Doba, au sud du pays, non loin de la frontière avec le Cameroun, ces revenus s’élevaient à 45,3 millions de dollars. L’année d’après, ils passaient à 166,8 millions de dollars. En constante augmentation, ils proviennent d’une redevance de 12,5 % payée par les compagnies pétrolières et, depuis 2006, de 60 % de leurs bénéfices nets provenant des champs pétrolifères de Komé, Bololo et Miandoum. À quoi il faut ajouter les dividendes versés par la Tchad Oil Transportation Company (Totco) et la Cameroon Oil Transportation Company (Cotco), les deux sociétés qui exploitent le pipeline évacuant le brut tchadien vers le port camerounais de Kribi. Jamais l’État tchadien n’a encaissé autant d’argent.
Mais, à N’Djamena, les retombées de la manne pétrolière n’ont pas encore atteint le panier de la ménagère. Pis, les Tchadiens ont le sentiment que leur pouvoir d’achat s’est érodé depuis l’entrée de leur pays dans le club des pays producteurs de pétrole. Pendant la construction du pipeline et l’aménagement des sites d’extraction, de nombreux emplois directs et indirects ont été créés, pour le plus grand bien des ménages. Depuis le début de l’exploitation, maçons, manutentionnaires, chauffeurs et autres chaudronniers ont perdu leur emploi. Peu formés aux métiers requis par les activités d’exploitation du brut, les Tchadiens ont dû laisser leur place à des ouvriers et des cadres étrangers plus qualifiés. Ce qui ne va pas sans effets collatéraux : en trois ans, les loyers ont explosé à N’Djamena. Le pays n’ayant pas d’accès à la mer, l’inflation qui touche l’ensemble de la zone Cemac est encore plus douloureusement ressentie par le consommateur tchadien. Le prix des marchandises transportées depuis le port de Douala subit l’effet conjugué de la hausse du prix du carburant et de la corruption occasionnée par les tracasseries policières.
Par ailleurs, le gouvernement ayant choisi de donner la priorité aux dépenses d’armement, une grande part des revenus pétroliers est désormais affectée à l’effort de guerre contre les rébellions qui sévissent à l’est, à la frontière avec le Soudan. Il faudra donc attendre pour observer les premiers effets du pétrole sur le quotidien de la population. Le Fonds pour les générations futures, qui devait assurer des investissements pérennes dans les secteurs prioritaires (santé, éducation, etc.) ayant été sacrifié aux impératifs de sécurité, les autorités doivent encore démontrer que le pétrole ne sera pas au Tchad ce qu’il a été ailleurs : une malédiction.

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