Gosses de rimes

Après un single remarqué en 2004, le groupe Kos 2 Rim est devenu le chef de file du rap militant dans son pays. Et même au-delà.

Publié le 10 décembre 2007 Lecture : 3 minutes.

Ils sont jeunes et, comme tous les gens de leur âge, ils ont l’avenir pour horizon. Un avenir qu’ils veulent plein de promesses et de douces certitudes. Mais les réalités quotidiennes d’un pays qui, malgré la manne pétrolière, figure toujours sur la liste des plus pauvres sont souvent tenaces. Alors ils chantent, versifient, lancent des messages et des phrases incantatoires « pour ceux qui ont encore des rêves ». Ces idéalistes, ce sont les cinq membres de Kos 2 Rim (« parler en rimes »), l’un des groupes de rap les plus en vue en Guinée équatoriale. Et ailleurs. La formation fut à l’affiche du dernier Gabao Hip-Hop. Ce festival international, qui s’est tenu en mai-juin 2007 à Libreville, a vu la participation de dizaines d’artistes parmi lesquels Les Nubians, Facteur X ou Naneth. « C’était un challenge, car la scène du rap gabonais est très dynamique et rassemble un public de connaisseurs », expliquent Léon Biyogo dit « HL04 » et Antonio Abeso Nsue Andeme alias « Doc Scenic ».
Leur musique s’affiche comme un rap militant, empreint de subtilité. Subtilité des textes qui allient le fang au français et à l’espagnol pour faire émerger néologismes, périphrases et autres trouvailles linguistiques. Subtilité dans l’attitude. Ferme sans jamais être violente. « Nous voulons dire ce que nous pensons. Nos textes retranscrivent l’ambiance dans laquelle nous vivons, nos vies vendues aux enchères, nos quartiers envahis par la boue »
Créé en 2004, le groupe se fait rapidement connaître avec un premier single sorti la même année. Élaboré à partir d’un home studio, il signe la véritable naissance de Kos 2 Rim avec, en point d’orgue, une diffusion sur la radio nationale Asonga mais aussi sur Radio France Internationale (RFI). Et pas dans n’importe quelle émission. Dans Couleurs tropicales de Claudy Siar, s’il vous plaît. Porte-étendards d’une jeunesse en quête de sens, HL04 et Doc Scenic ne se quittent plus, qui sont rapidement rejoints par Mateo Nguema, alias « B Real », Alessandro Bivaga, dit « Kpa », et Raoul Bivaga, également connu sous le nom de « Knb ». S’ensuivent les concerts, les tournées et les festivals. Certes à chaque fois dans des lieux plus ou moins confidentiels – les grandes scènes ne sont pas nombreuses à Bioko. Mais à chaque fois, leur style interpelle une partie de la jeunesse équatoguinéenne, et Kos 2 Rim commence à « nouer de nombreux contacts avec les artistes de la région ».
Après plusieurs mois d’interruption, le groupe revient en 2006 avec un nouveau titre. Pris sous la coupe de Stan, leur manager rencontré à l’Institut d’expression française de Malabo (Icef), Kos 2 Rim entend marquer son indépendance. Lucide sur les limites de la critique, portée sur les maux de la société équatoguinéenne, la petite bande fuit les concerts organisés par les pouvoirs publics, qu’elle assimile à de la récupération. « Nous avons tellement de choses à dire que nous pourrions sortir un disque par jour. Mais nous voulons nous exprimer en toute liberté. Nous sommes vivants. » Un principe intangible. Les rappeurs ont même refusé la proposition d’un membre du gouvernement qui souhaitait les faire enregistrer dans un studio professionnel en Europe.

Rester motivé
« Créer, ne serait-ce qu’une maquette, a un vrai coût. Il faut du matériel, des ordinateurs, des équipements, des logiciels Il faut vraiment être motivé. » Cela n’interdit pas les projets, notamment grâce au soutien qu’apporte l’Icef en matière de création. Vrai point de chute pour les artistes nationaux, l’institut s’appuie sur le réseau des centres culturels français pour créer une véritable dynamique sous-régionale du rap et du hip-hop. Déjà organisateur du premier festival de Malabo, l’Icef sortira l’an prochain une compilation de formations équatoguinéennes. Y figurera Kos 2 Rim bien sûr, mais aussi Los Científicos Locos, sans doute l’un des groupes locaux les plus virulents, Adjo Bening, Mafia MC ou encore Neflidi. Des ateliers d’écriture sont à l’étude. De quoi soutenir un art désormais universel et qui, en Guinée équatoriale, relevait encore récemment de la gageure. De quoi, aussi, « voir la misère en rose ».

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