Fichez la paix à la Chine !

Publié le 10 décembre 2007 Lecture : 3 minutes.

La Chine poursuivra en 2008 sa formidable croissance économique. L’Académie chinoise des sciences sociales a annoncé, mercredi 5 décembre, que l’augmentation de son produit intérieur brut (PIB) devrait s’élever à 11 % l’an prochain, après 11,5 % en 2007. C’est une bonne nouvelle pour l’Afrique et une source de vives inquiétudes dans les pays développés, qui redoutent un surcroît de concurrence dommageable pour leurs industries.
Prenons l’exemple du téléphone portable, que la Chine produira à 500 millions d’exemplaires cette année, soit 40 % de l’offre mondiale. Cette performance technologique, industrielle et commerciale profite deux fois à l’Afrique. Une première fois quand Pékin achète les matières premières nécessaires à la fabrication des puces électroniques, et notamment le niobium, le silicium ou le tantale qui entrent dans leur composition et qu’extraient de leur sol la République démocratique du Congo, l’Afrique du Sud ou l’Éthiopie. Une deuxième fois lorsque la Chine vend à bon compte des portables à la portée des pouvoirs d’achat africains.
Et cet exemple est répétable à l’infini, puisque la Chine achète la moitié du coton d’Afrique de l’Ouest et inonde le continent de textiles bon marché, ramasse toutes les vieilles batteries depuis Addis-Abeba jusqu’à Lagos pour y exporter des neuves pas chères, dévore le cuivre zambien et retourne tuyaux et câbles électriques, etc. Trois chiffres résument ces bienfaits : en 1950, le commerce sino-africain s’élevait à 12 millions de dollars ; en 2006, il est passé à 55 milliards de dollars et a laissé un solde positif de 2,1 milliards au profit des Africains.

Dans les pays industrialisés, la montée en puissance de « l’empire du Milieu » est vécue de façon négative. Selon un sondage du German Marshall Fund of the United States (GMF) réalisé en Europe et aux États-Unis, publié le 6 décembre, 50 % des Américains et 55 % des Européens interrogés disent avoir peur de la croissance chinoise. Les plus anxieux sont les Français (64 % d’avis négatifs) et les plus optimistes, les Britanniques (seulement 34 % d’avis négatifs). Pour les Européens, le mauvais visage de la mondialisation est chinois. Les délocalisations et les suppressions d’emplois sont imputables à Pékin.
Comme le libéralisme des Occidentaux leur interdit de protester contre les coûts de la main-d’uvre chinoise – quelque trente fois moins onéreuse que celle des pays industrialisés -, ils se retournent contre la croissance vertigineuse, les excédents commerciaux, et leur colère se focalise sur la politique monétaire de la Chine. En quelques semaines, les délégations se sont succédé à Pékin pour dire aux dirigeants chinois qu’ils devaient laisser le yuan s’apprécier par rapport au dollar comme à l’euro, afin de ne pas concurrencer à outrance les produits des autres pays. L’Allemande Angela Merkel, le Français Nicolas Sarkozy, le porte-parole de l’Europe Joaquin Almunia, le secrétaire américain au Trésor Hank Paulson ont plaidé, supplié, ressassé que la Chine devait arrêter de mettre la pagaille dans le commerce international et accepter que sa monnaie devienne plus chère.

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Impavides, le président Hu Jintao et ses ministres leur ont demandé du temps et ont mis en avant leurs efforts pour ralentir leur économie. Et c’est vrai qu’ils ont accepté une lente appréciation du yuan depuis un an et demi, vrai qu’ils brident la croissance de leurs crédits et qu’ils tentent de calmer la fièvre de la Bourse de Shanghai, autant que l’envolée de l’inflation à plus 6 %, cet automne. Mais ils agissent avec prudence, car ils ne veulent pas casser la belle dynamique qui contribue à tirer de l’extrême pauvreté 1,3 milliard de Chinois. Il y a eu, en 2006, plusieurs centaines d’émeutes dues aux inégalités sociales ou aux expropriations. S’il n’y avait eu cette croissance échevelée, les jacqueries et les grèves auraient été encore plus nombreuses.
En tout cas, personne dans le monde n’a intérêt à un arrêt de la locomotive chinoise qui, avec le reste de l’Asie, assure à la planète une croissance continue depuis une décennie. Plus que d’autres, l’Afrique doit demander que le monde riche laisse la Chine en paix, car de la prospérité de celle-ci dépend notamment l’aide de 5 milliards de dollars qu’elle a promis de lui apporter de 2007 à 2009. Les pays du G8 n’ont pas tenu leur promesse d’apporter à l’Afrique 25 milliards de dollars de plus par an, n’est-ce pas ?

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