Dans la peau du dragon

Publié le 10 décembre 2007 Lecture : 2 minutes.

Après des années d’austérité imposées par le FMI, après une décennie de violence islamiste traumatisante, l’Algérie vit en pleine euphorie pétrolière. La flambée des cours des hydrocarbures donne au président Abdelaziz Bouteflika les moyens de panser les plaies de ses administrés et de construire un avenir pour son pays qu’il rêve en nouveau « dragon économique » d’Afrique du Nord. Les exportations d’hydrocarbures ont encore progressé en 2006, rapportant 53,6 milliards de dollars, en hausse de 17,6 % malgré une contraction de 3 % des volumes vendus. Sagement gérés, ces revenus sont versés depuis 2000 sur un Fonds de régulation des recettes (FRR). Une partie est affectée au budget de l’État (élaboré à partir d’un baril à moins de 20 dollars) pour financer les programmes de développement sectoriels : agriculture, relance de l’industrie et travaux d’infrastructures. Modernisation des lignes ferroviaires, tramways dans les grandes villes, métro à Alger, autoroute traversant le pays d’est en ouest, nouveaux barrages, usines de dessalement, hôpitaux, logements sociaux l’effet « pétrole » est palpable dans ce pays en chantier permanent.
Les autorités ont également constitué d’énormes réserves de change (113 milliards de dollars à la fin de 2007) placées en bons du Trésor américain ou auprès des grandes banques internationales. Elles ont également fait le choix d’apurer leur dette en la remboursant par anticipation (elle ne représente plus que 4,38 % du PIB en 2006 contre 59 % en 1999) pour préserver leur autonomie à l’égard des bailleurs de fonds. Le pays a ainsi retrouvé une stabilité financière et une réelle crédibilité en matière de paiement, ce qui constitue autant de garanties pour les opérateurs étrangers.
Enfin, la manne pétrolière permet aux autorités d’acheter la paix sociale dans un pays où le chômage tourne officiellement autour de 12 %. Pour éviter les manifestations, on assiste au retour de l’État-Providence distribuant les aides aux ménages et aux entreprises, allant même jusqu’à financer de généreux prêts à la consommation. L’an dernier, les autorités ont signé avec les syndicats un pacte social accordant une augmentation des salaires de 15 % à 20 % dans le secteur public, imité par le privé, alors que les retraites ont été réévaluées. Ces mesures se répercutent sur la consommation des ménages et font le bonheur des grandes enseignes de distribution, même si le pouvoir d’achat de la population reste modeste. Les investissements publics, les progrès en matière de gouvernance et la libéralisation de l’économie ont permis de doper la croissance, qui affiche une moyenne annuelle de 6 % depuis 2002.
Des résultats insuffisants pour l’opposition. Celle-ci déplore le manque de vision des autorités, qui confient la réalisation des grands chantiers aux multinationales étrangères, laissent dormir l’argent public dans des placements peu performants et manquent d’initiatives en faveur des plus démunis. Mais, au-delà, Abdelaziz Bouteflika devra surtout garder à l’esprit que les recettes pétrolières ne seront pas éternelles et qu’il faut avant tout moderniser l’agriculture et développer l’industrie et le tertiaire. Son projet – faire de son pays un dragon – a de l’allure sur le papier, mais les pesanteurs de l’ancien système freinent encore les investissements étrangers et l’émancipation des entrepreneurs locaux.

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