Comment vit Moussa Kaka

Notre envoyé spécial a rendu visite au correspondant de RFI, toujours détenu à la prison de Niamey.

Publié le 10 décembre 2007 Lecture : 3 minutes.

Contre toute attente, l’homme qui pénètre en ce dernier jour de novembre dans le parloir de la prison civile de Niamey – une petite pièce dépouillée, avec pour seul mobilier un banc, une chaise et un bureau – paraît en bonne santé. Vêtu d’un jean bleu et d’une chemise à carreaux beige, la revue Science et Vie en date du mois de juin 2007 à la main, il ne semble pas trop amaigri. S’il regrette de ne plus pouvoir faire la sieste en début d’après-midi, il n’a pas non plus la mine trop fatiguée. C’est pourtant un bien triste anniversaire que s’apprête à fêter Moussa Kaka, le 20 décembre prochain.
Il y aura alors trois mois exactement que le patron de la radio Saraounia, par ailleurs correspondant de Radio France internationale (RFI) à Niamey, croupit dans les geôles nigériennes, à la suite de son arrestation, le 20 septembre, pour « complicité d’atteinte à la sûreté de l’État ». Il y aura aussi trente-quatre jours précisément qu’il attend sa remise en liberté provisoire, après que la justice eut déclaré illégaux les enregistrements téléphoniques de ses conversations avec des dirigeants du Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ), censés prouver sa culpabilité
« Tant qu’elle va bien, je vais bien », lance-t-il. Elle, c’est Djamila, son épouse, sur qui il pose un regard appuyé. Comme chaque jour depuis le début de son incarcération, la jeune femme est venue soutenir son mari. Boubou vert, blanc et bleu, foulard noué sur la tête, elle est le lien le plus solide entre Moussa et le monde extérieur. Djamila vient voir son époux deux fois par jour, matin et soir, un peu après 9 heures et un peu avant 18 heures, horaires pendant lesquels les visites sont autorisées. À chaque fois, elle en profite pour lui donner des nouvelles de la mobilisation internationale pour sa libération ou pour faire le point sur le fonctionnement de Saraounia. Comme lorsqu’il part en reportage, c’est elle qui assure l’intérim à la station Djamila ne manque jamais non plus de lui apporter à dîner. Au menu ce 30 novembre : poulet aux ignames. Moussa en fait une question de principe : « Il ne veut pas que ce soit l’État qui lui donne à manger », explique l’un de ses proches.
Les journées du plus célèbre des prisonniers nigériens sont très longues en prison. Debout dès 4 heures et demie du matin « pour la prière », il ne se couche qu’à 22 heures, à l’extinction des feux. Pour tuer le temps, il joue aux cartes avec ses compagnons de cellule – « à la belote surtout » – et lit beaucoup. Il ne manque jamais non plus le journal diffusé tous les jours à 12 h 15 sur sa radio.
Dans la « section des fonctionnaires » où il est incarcéré, Kaka bénéficie de conditions de détention « un peu plus confortables ». Portes ouvertes, matelas au sol et ventilateur au plafond : « Les détenus la surnomment Pretoria ! » explique Me Moussa Coulibaly, l’un des avocats du journaliste. Grâce à sa notoriété, le directeur de Saraounia n’a pas eu non plus à subir la loi du plus fort qui sévit derrière les barreaux. Contrairement à beaucoup de détenus, il dit ne pas avoir été racketté. Ni par l’administration pénitentiaire, ni par les caïds de la prison. « Les gens me connaissent. Ils savent qui je suis », explique-t-il. Malgré son statut à part, Moussa se trouve, toutefois, enfermé avec un chef de gang arrêté il y a neuf ans pour viol et vol à main armée dans une cellule qui « ne dépasse pas les 8 m2. Nous sommes quatorze dedans. Le soir, une fois tout le monde couché, plus question de circuler ! » tempête encore le journaliste. « Heureusement, Moussa n’aime pas le luxe, confie, pour sa part, un de ses proches. En 2004, il a déjà fait un séjour en prison, il sait ce que c’est. Il fut par ailleurs le premier à se rendre dans le désert pour couvrir le problème touareg, dans les années 1990 »
Sa demande de remise en liberté provisoire rejetée le 30 novembre, Moussa semble aujourd’hui condamné à passer les fêtes de fin d’année dans sa geôle. La chambre d’accusation qui doit statuer sur son dossier ne se réunit qu’une fois par semaine, le mardi. Or, comme si le sort avait décidé de s’acharner sur Kaka, à l’exception du 11 décembre, les trois derniers de l’année sont fériés. À cause de la fête de la proclamation de la République le 18, de Noël le 25 et du jour de l’an, le 1er janvier. « Il risque désormais de ne plus rien se passer avant le 8 janvier », déplore Me Coulibaly. L’année 2008 commencera-t-elle mieux que 2007 ne finit ?

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