[Chronique] Sénégal : « Boy Djinné » champion du monde des évasions ?
Le célèbre « as des évasions » a de nouveau faussé compagnie à ses codétenus, cette fois d’un quartier de haute sécurité d’une prison de Dakar. Non sans médiatiser son tour de force.
Même les cages parisiennes du goal Apoula Edel ressemblaient moins à une passoire que la prison de Liberté VI, à Dakar. La fameux Baye Modou Fall vient de s’évader du quartier haute sécurité de l’établissement pénitentiaire de cette commune de Dakar. Le prisonnier évaporé a-t-il des talents de prestidigitateur dignes de spectacles de magie spécialisés dans les passe-murailles ? Surnommé « Boy Djinné » (le jeune djinn, « jeune génie ») ou « l’as des évasions », l’homme de 32 ans a déjà pris la poudre d’escampette une bonne douzaine de fois…
Plusieurs fois arrêté pour « vol en réunion avec usage d’armes » ou « association de malfaiteurs », le « serial-évadeur » avait été arrêté en 2016, à la frontière guinéenne. Ce n’est que le dimanche matin du week-end 30 mai 2021 que Demba Sow, son codétenu du camp pénal de Liberté VI, aurait constaté qu’il était seul en cellule.
Une évasion en signe de protestation
Cabotin et conscient de sa capacité à créer le buzz, l’évadé a, depuis, accordé un entretien à la télévision privée iTV. Il y explique qu’il serait toujours présent au Sénégal et qu’il serait même prêt à se présenter au tribunal, au début de son procès.
Sa fuite ne serait qu’une protestation contre les « lenteurs » de son « dossier », et non un acte de « sabotage » ou l’expression d’une « peur de la prison ». Il justifie son évasion comme une « liberté provisoire forcée » qui lui paraît légitime. Il sait pouvoir surfer sur les débats publics récurrents à propos des conditions de détention dans les prisons du Sénégal, de la surpopulation carcérale, du recours presque systématique au placement sous mandat de dépôt et de la durée des détentions provisoires.
Comment peut-on sortir d’une prison avec une aisance aussi patente ?
Les défenseurs des droits humains dénoncent régulièrement le fonctionnement du monde pénitentiaire et le gouvernement travaille sur un projet de surveillance électronique. Mais une question demeure : comment peut-on sortir d’une prison avec une aisance aussi patente ? Confiée au commissaire Bara Sangharé, une enquête de la sûreté urbaine (SU) de Dakar tente de déterminer si Boy Djinné a bénéficié de complicité. Les matons de garde devaient être auditionnés.
Les sanctions n’ont d’ailleurs pas tardé à tomber. Dès le mardi 1er juin, Malick Sall, le ministre de la Justice, a annoncé que le directeur du camp pénal de Liberté VI était « appelé à d’autres fonctions ». Une manière diplomatique de dire qu’il a été remercié…
Perméabilité des prisons africaines
La perméabilité de certaines prisons africaines ne surprend guère, même si chaque évasion porte ses propres circonstances. En avril 2021, dans la ville d’Owerri au sud-est du Nigeria, 1 800 détenus s’évadaient d’un centre pénitentiaire attaqué à l’explosif par des hommes armés. En décembre 2020, un Mozambicain et un Zimbabwéen avaient creusé un trou dans leur cellule d’une prison de haute sécurité de Pretoria, lieu qui avait hébergé, par le passé, Oscar Pistorius ou Nelson Mandela. En octobre, ce sont 1 300 prisonniers – la quasi-totalité des « locataires » de la prison congolaise de Beni –, notamment des combattants de la milice AFD, qui avaient déjoué la vigilance des gardiens.
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