Un colosse en or massif

Fruit de la fusion du ghanéen Ashanti Goldfields et du sud – africain AngloGold, la première compagnie mondiale est africaine !

Publié le 7 novembre 2003 Lecture : 4 minutes.

C’est la plus grande fusion-acquisition de toute l’histoire économique africaine. Et l’une des plus importantes réalisées cette année sur le marché international des capitaux. Le 27 octobre, deux grandes compagnies minières africaines, AngloGold (Afrique du Sud) et Ashanti Goldfields (Ghana), ont en effet décidé de fusionner leurs actifs. Le « mariage » a été approuvé, deux jours plus tard, par le gouvernement ghanéen. Depuis six mois, Ashanti faisait l’objet d’une cour assidue de la part du géant sud-africain, mais aussi de Rangold, une petite firme britannique. Lorsqu’elle sera consommée, dans quelques semaines, l’union donnera le jour au plus grand producteur mondial d’or, qui prendra le nom d’Ashanti AngloGold, au Ghana, et AngloGold Ashanti, à l’international.
Valorisé à près de 8,5 milliards de dollars en Bourse, le nouveau groupe produira cette année 7,6 millions d’onces d’or fin. Soit mieux que l’américain Newmont (entre 7,2 et 7,4 millions d’onces), le canadien Barrick (5,7 millions) et le sud- africain Goldfields (4,5 millions).
Tout commence au mois de mai dernier. Sur les places boursières, les premières rumeurs circulent concernant un éventuel rachat d’Ashanti par AngloGold. À Accra, le conseil d’administration de la firme ghanéenne confirme l’information, mais précise qu’il ne peut s’agir que d’une fusion amicale… Sam Esson Jonah (53 ans), le patron d’Ashanti, n’est-il pas très proche de Bobby Godsell (50 ans), son collègue d’AngloGold ?
Les négociations vont bon train quand Randgold, qui possède d’importants intérêts miniers au Mali, décide brusquement de surenchérir sur l’offre d’AngloGold : 1,7 milliard de dollars contre 1,1 milliard. Les pourparlers se poursuivent laborieusement en juillet, août et septembre. La proposition de Randgold, qui ne « pèse » que le tiers d’Ashanti, n’est pas prise à la légère, toutefois Jonah décide finalement de donner la préférence à celle du numéro un sud-africain, techniquement et financièrement plus solide. Mais l’occasion est belle d’exiger une amélioration de l’offre d’AngloGold. Après avoir traîné les pieds, celle-ci finit par répondre favorablement, le 14 octobre : l’échange se fera à hauteur de 1,5 milliard de dollars, avec des engagements d’investissements à long terme d’un montant de 1 milliard de dollars. Le gouvernement ghanéen (qui détient un droit de veto et une participation de 16,9 % dans le capital d’Ashanti) approuve le nouveau deal, et Jonah, qui s’apprêtait à partir à la retraite, est prié de rester en place, au moins pour quelque temps : il participera à la présidence d’Ashanti AngloGold, aux côtés de Godsell.
Le nouveau groupe dispose de réserves prouvées gigantesques : 93,2 millions d’onces, dont 22 millions apportés par Ashanti, soit sensiblement plus que Barrick (87 millions) et Newmont (83). Avec un coût de production moyen de 207 dollars l’once, l’avenir s’annonce rose. Les cours de l’or sont actuellement dans une phase ascendante (entre 380 et 385 dollars l’once), et le gisement d’Obuasi est loin d’avoir dit son dernier mot : d’importantes réserves sont encore inexploitées, entre 1 500 m et 3 000 m de profondeur. L’exploitation d’Obuasi, ce fleuron du groupe, devrait donc se poursuivre jusqu’en 2040.
Pour Jonah, c’est une grande victoire : à ce jour, il est le seul « Black » à diriger une compagnie minière. Pourtant, il y a à peine trois ans, il paraissait fini. « Je suis passé par des hauts et des bas, mais je ne regrette rien », dit-il aujourd’hui. Stagiaire à la Lonrho, il est remarqué et pris en main, dès 1971 (il n’a alors que 21 ans), par Tiny Rowland, le patron de la célèbre compagnie minière, qui lui permet de se perfectionner et de s’élever dans la hiérarchie. Trois ans auparavant, la Lonrho avait acheté des actions Ashanti et avait besoin de « colorer » un peu sa direction… En mai 1982, Jonah, dont le charisme et la compétence sont désormais unanimement reconnus, devient le patron d’Ashanti. Et, surtout, de la mine Obuasi, la plus importante de l’ex-Gold Coast britannique et de toute l’Afrique de l’Ouest.
Jonah développe l’exploration au Ghana et, parallèlement, développe les activités de son entreprise dans d’autres pays africains, notamment la Guinée (Siguiri), la Tanzanie et le Zimbabwe. Mais il investit un peu trop et s’endette exagérément. À partir de 1997, le retournement de tendance sur le marché de l’or manque de lui être fatal. Le cours de l’once passe de 380-400 dollars à 260 dollars en 1999. Au même moment, la campagne pour l’élection présidentielle bat son plein. Jonah est soupçonné de savonner la planche du candidat choisi par Jerry Rawlings et de jouer la carte de John Kufuor. C’est le moment que choisissent les banques pour réclamer à Ashanti le remboursement de leurs créances…
Sam Jonah dément toute ingérence dans la politique intérieure de son pays et jure qu’il ne poursuit d’autre but que le sauvetage d’Ashanti. Il y parviendra sans trop de dégâts, même s’il devra céder quelques actifs ici ou là (notamment en Tanzanie). En décembre 2000, Kufuor est élu président du Ghana. Les deux hommes s’entendent à merveille : ne sont-ils pas l’un et l’autre partisans d’un libéralisme économique « à l’africaine » ? Très vite, ils trouveront une oreille attentive auprès de Thabo Mbeki, le président sud-africain. De là à imaginer la création d’un joint-venture africain, il n’y a qu’un pas. Qui vient donc d’être franchi.

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