Dans l’enfer de Grozny

Le journaliste Dominique Le Guilledoux relate son expérience du conflit sur le mode de la fiction.

Publié le 7 novembre 2003 Lecture : 2 minutes.

On ouvre ce livre un peu désabusé : encore un journaliste qui va raconter ses aventures sur le terrain. Et puis, dès les premières pages, on est saisi par le talent du narrateur. L’histoire est très simple. En décembre 1994, Yvan Nadège est envoyé par son journal, un « quotidien du soir » français, en Tchétchénie. L’armée Rouge bombarde alors massivement Grozny, tentant notamment de déloger les combattants nationalistes qui se sont réfugiés dans le palais présidentiel.
« Reste à la frontière, en Ingouchie, avec les réfugiés. Mais n’entre pas dans la ville, ce serait de la folie », l’avait-on prévenu à Paris. Pourtant, le jeune Français ira jusqu’au coeur de la capitale tchétchène en compagnie de deux photographes que rien ne semble effrayer. Ils sont hébergés par un notable, Vakhran, qui hait la guerre plus que les Russes eux-mêmes, mais se refuse à quitter sa maison. La peur au ventre, le journaliste réussira à récolter tant bien que mal les informations qui lui permettront de téléphoner à sa rédaction pour dicter ses articles. Parmi les témoignages qu’il recueillera, celui de Jahita, une paysanne qui a survécu à un massacre, est particulièrement poignant.
Mais c’est lorsqu’il livre ses états d’âme que le journaliste-narrateur est le plus convaincant. Contrairement à ses compères photographes, Yvan Nadège n’a rien d’un baroudeur. Il passe le plus clair de son temps terré dans un appartement ou réfugié dans une cave, et c’est mort de trouille qu’il va chercher, sur le théâtre des combats, la matière de ses papiers.
L’auteur semble parfois tomber dans le schématisme. Les Tchétchènes, tous des gentils, se battent pour la liberté alors que les Russes, d’affreux soûlards, ne pensent qu’à massacrer indistinctement « rebelles » et civils. Mais, réflexion faite, les choses devaient probablement se passer ainsi.
Ce roman, on l’a deviné, n’en est pas vraiment un. L’auteur, grand reporter au Monde depuis 1990, a couvert les conflits du Kurdistan, de la Somalie, de la Palestine et, bien sûr, de la Tchétchénie. Il a obtenu en 1993 le prix Albert-Londres – la référence dans le métier – pour une série de reportages intitulée « Rencontres en France ». Il a choisi la forme romanesque pour raconter un épisode historique qu’il a vécu de près. Tentative réussie, qui fait de lui un véritable écrivain.

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