Ons Jabeur : « Je veux donner une bonne image de l’Afrique, du monde arabe et de la Tunisie »

La Tunisienne a remporté le 20 juin l’Open de Birmingham. Elle devient la première femme maghrébine à remporter un tournoi sur le circuit WTA. Jeune Afrique était allé à sa rencontre lors du tournoi de Roland-Garros, le 2 juin.

La Tunisienne Ons Jabeur lors du premier tour féminin de Roland-Garros contre la Kazakhe Yulia Putintseva le 1er juin 2021 à Paris. © Julian Finney/Getty Images/AFP

La Tunisienne Ons Jabeur lors du premier tour féminin de Roland-Garros contre la Kazakhe Yulia Putintseva le 1er juin 2021 à Paris. © Julian Finney/Getty Images/AFP

Publié le 2 juin 2021 Lecture : 5 minutes.

Elle est l’une des trois représentantes du continent à Roland-Garros, qui se tient à Paris du 30 mai au 13 juin. La joueuse de tennis Ons Jabeur, 26e mondiale, a réussi son entrée dans le tournoi international en dominant la Kazakhe Yulia Putintseva en deux sets (7-5, 6-2). Après sa victoire, la Tunisienne de 26 ans s’est arrêtée pour livrer ses impressions à Jeune Afrique. L’occasion d’évoquer son ambition à Paris et son rôle de modèle pour la jeunesse tunisienne en particulier et arabe en général.

Le 20 juin, Ons Jabeur a remporté l’Open de Birmingham et est devenue la première femme maghrébine à remporter un tournoi sur le circuit WTA.

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Jeune Afrique : Quelle est votre ambition dans ce tournoi ?

Ons Jabeur : J’essaie de prendre chaque match l’un après l’autre. J’ai un tableau assez difficile avec Ashleigh Barty [la numéro un mondiale, NDLR] que je rencontrerai peut-être au troisième tour. L’objectif est d’être en deuxième semaine du tournoi. Je sais que ça demande beaucoup de travail, mais je sens vraiment que je peux y arriver.

La France est proche de la Tunisie, j’ai beaucoup de supporters tunisiens ici

Roland-Garros est-il le tournoi du « Grand Chelem » où vous pensez avoir le plus de chances de réussir ?

Oui, même si j’ai montré que je pouvais bien jouer dans les autres rencontres lors de mon quart de finale à l’Open d’Australie en 2020. Mais Roland-Garros occupe une place très spéciale dans mon cœur, parce que je l’avais gagné chez les juniors en 2011. La France est proche de la Tunisie, j’ai beaucoup de supporters tunisiens ici. Si je pouvais choisir où remporter mon premier tournoi du Grand Chelem, ce serait ici.

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Justement, qu’est-ce que Roland-Garros représente en Tunisie ?

Les gens suivent Roland-Garros depuis au moins trente ou quarante ans en Tunisie. Mon mari par exemple passait toute la journée à regarder Roland-Garros, de onze heures jusqu’au soir. Il y a même des gens qui tracent un petit terrain dans la rue en faisant semblant de jouer, en glissant sur la terre et en se tapant les chaussures comme les joueurs [rires]. Roland-Garros intéresse beaucoup de gens en Tunisie, c’est le tournoi le plus connu.

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Vous aussi, vous avez rêvé de jouer ici ?

Quand j’avais 9 ans, j’avais dit que je voulais gagner Roland-Garros. Je l’ai fait chez les juniors, maintenant j’espère que ça va venir chez les professionnels.

Je suis une femme libre tunisienne. Si je suis arrivée là, c’est grâce à beaucoup de travail

Vous êtes l’une des sportives les plus emblématiques du monde arabe. N’est-ce pas parfois un peu lourd à porter ?

Je sais qu’il y a des gens qui me suivent, et j’ai toujours envie de donner une bonne image de l’Afrique, du monde arabe et de la Tunisie. Et Dieu sait que c’est une grande responsabilité. Mais c’est moi qui ai décidé, qui ai bien voulu prendre ce genre de responsabilité, et j’essaie d’être à la hauteur. Mais je suis un être humain et parfois je déçois les gens en perdant au premier tour.

Quels sont les messages que vous souhaitez faire passer en tant que femme arabe ?

Je n’ai jamais eu de difficulté en tant que femme en Tunisie. Je suis une femme libre tunisienne. Si je suis arrivée là, c’est grâce à beaucoup de travail. On n’a pas vraiment les moyens, on ne dispose pas en Tunisie des mêmes installations qu’en France, aux États-Unis ou en Australie. Mais je suis là, je joue avec les grandes. Et j’espère aller encore plus loin.

Sentez-vous que vous avez fait des émules et qu’il pourrait y avoir de nouvelles Ons Jabeur ?

Je m’entraîne souvent en Tunisie et je vois des enfants qui sont très intéressés. Ils veulent voir comment je m’entraîne. Si je porte tel bandana, ils vont acheter le même directement [rires]. C’est important de commencer à rêver à cet âge-là. Les parents des jeunes joueurs et joueuses me disent : « On ne connaissait pas vraiment le tennis et c’est grâce à vous qu’on commence à y croire. » Donc oui, je pense que la relève va venir.

J’aimerais ouvrir ma propre académie pour la prochaine génération

Quels sont les obstacles qui demeurent pour une jeune fille tunisienne qui veut pratiquer le tennis ?

Il y en a encore beaucoup. Le tennis est un sport coûteux. Mais il y a toujours des solutions. Il faut manifester son ambition, essayer de trouver des sponsors. Ce qui doit venir de soi, il faut être motivé, ça commence par là. Personnellement, je crois que c’est grâce à ce manque de moyens que j’ai travaillé encore plus dur pour y arriver. Peut-être que si j’avais eu des moyens comme dans d’autres pays, j’aurais été plus gâtée et j’aurais un peu moins voulu réussir. Je sens que c’était mon chemin. Pour la prochaine génération, j’aimerais peut-être ouvrir ma propre académie et orienter ces joueurs en formation sur la bonne voie. Je veux aider au maximum.

Cet été, vous allez représenter la Tunisie aux Jeux olympiques à Tokyo. Qu’est-ce que ça vous évoque ?

Beaucoup de choses, c’est une compétition spéciale. On représente notre pays et je suis très fière d’être tunisienne. Je représente aussi le monde arabe et le continent. J’ai très envie de jouer lors de ce tournoi. Et, pourquoi pas, viser la médaille. Nous serons réunis avec différents athlètes, et ça me rappelle un peu mes années au lycée sportif, c’était une belle période. J’ai envie de voir les autres sports individuels : la lutte, le judo, la natation, l’escrime…

J’adore le foot, parfois je préfère même jouer au foot qu’au tennis !

Votre mari, Karim Kamoun, est aussi votre entraîneur. Comment gérez-vous cette situation un peu particulière ?

J’ai la chance qu’il voyage avec moi. La réussite de notre couple, que ce soit sur le plan professionnel ou personnel, tient au fait que l’on communique beaucoup et que l’on se respecte énormément. Je ne connais personne qui m’aime et veuille que je réussisse plus que lui. J’espère qu’on ira plus loin.

Vous êtes aussi une grande amatrice de football. Cela pourrait faire l’objet d’une deuxième carrière, qui sait ? 

J’ai toujours voulu jouer. D’ailleurs j’en profite pour passer le message : s’il y a une équipe qui est prête à me faire une place, même en division 3, je suis prête à faire un match avec vous si ça vous intéresse. Parfois je préfère même jouer au foot qu’au tennis. J’adore Cristiano Ronaldo, j’ai pu avoir récemment son maillot de la Juventus dédicacé, j’espère un jour le rencontrer.

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