Non, l’économie américaine ne se porte pas bien

Publié le 7 novembre 2003 Lecture : 3 minutes.

L’annonce, le 30 octobre, d’une croissance économique américaine de 7,2 % en rythme annualisé au cours du troisième trimestre 2003 – le taux le plus élevé des vingt dernières années – a fait sensation. Les États-Unis sont-ils à l’aube d’une vigoureuse reprise économique ? Nombreux sont ceux qui cherchent à s’en convaincre, notamment parmi les responsables politiques américains.
Cette performance aussitôt annoncée, de nombreux commentateurs ont fait remarquer que le troisième trimestre n’était pas représentatif de l’année, que les six premiers mois ont été plutôt médiocres et que le quatrième trimestre a démarré dans un contexte moins favorable.
Quelle est la valeur de l’actualisation sur un an d’une performance trimestrielle ? Le débat n’est pas nouveau. Il ne faut certes pas sous-estimer l’impact des stimulants budgétaires mis en oeuvre par l’administration Bush ni exclure que leur effet se prolonge dans le temps. Au demeurant, l’économie mondiale pourrait en bénéficier.

Force est d’admettre cependant que les perspectives pour 2004 et au-delà demeurent fort incertaines, comme le font remarquer certains observateurs américains fort sérieux et, parmi eux, des spécialistes de fonds d’investissements. Voici quelques-unes de leurs observations :
– il n’y a aucune amélioration du climat des affaires dans la plupart des secteurs d’activité en dépit des stimulants massifs mis en oeuvre par les autorités fédérales. Les seuls domaines qui enregistrent une reprise sont ceux de la promotion commerciale et de l’activité gouvernementale, en particulier dans ce qui est lié à la défense ;
– la demande des particuliers est ralentie en dépit de l’injection de liquidités par le système de Réserve fédérale (FED) ;
– le haut de gamme immobilier est stagnant ;
– la pression à la baisse des prix est générale ;
– les entreprises s’emploient à limiter leurs coûts en réduisant leurs investissements et leur personnel ;
– pour les entreprises moyennes et petites, le prix de l’argent a plutôt tendance à augmenter, et beaucoup d’entre elles éprouvent des difficultés à se refinancer.
Schématiquement, ces observateurs soulignent « que si l’économie n’est pas en récession, elle ne connaît pas de reprise. La conjoncture molle des trois dernières années s’est inscrite dans un contexte de baisse des taux d’intérêt et d’injection massive de liquidités. Un tel phénomène s’analyse comme une dépression en cours, mais, bien entendu, personne n’utilisera ce mot au sein du gouvernement ou dans les médias. »
D’autres commentaires soulignent la manipulation des chiffres par les autorités qui sous-estiment délibérément les mouvements des prix. Alan Greenspan, président de la FED, est critiqué pour avoir fait une vertu de la création d’une bulle financière.

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Ces propos s’inscrivent dans un contexte budgétaire et financier gravement détérioré :
– le déficit du budget fédéral pour 2004, il y a peu chiffré à 400 milliards de dollars, est maintenant revu à la hausse à 600 milliards de dollars ;
– la majorité des cinquante États connaît des situations similaires. L’actualité a mis en évidence celle de la Californie, le plus important d’entre eux ;
– les grandes villes ne sont pas en meilleure position : Los Angeles et New York donnent le ton.
La consommation privée, naguère moteur principal de la croissance, est empêchée de jouer son rôle par le niveau élevé de la dette des ménages aggravée par un taux d’épargne faible et par la perte non réversible d’emplois dans des industries manufacturières désormais confrontées à la concurrence de pays à bas coûts de production, au premier rang desquels la Chine et l’Inde.
L’attrait du dollar, longtemps la seule monnaie de réserve crédible à l’échelle mondiale, et la nécessité pour les grands exportateurs vers les États-Unis de maintenir leur solvabilité ont justifié les investissements massifs dont ce pays a bénéficié au fil des années, en particulier de la part des institutions financières asiatiques. Des doutes sérieux sur sa politique économique et sur la tenue du dollar, désormais concurrencé, sont susceptibles de réduire le flot des capitaux vers l’Amérique du Nord.
Même si l’aptitude des États-Unis à se remettre en question et à corriger leurs faiblesses demeure exceptionnelle, il paraît vraisemblable, si ce n’est probable, que leur économie traverse une période de graves difficultés dans le proche avenir. Celles-ci, on peut le prévoir, pèseront dans la campagne électorale de 2004.

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