M’hammed Yazid, un homme libre

Publié le 7 novembre 2003 Lecture : 2 minutes.

Il était, pour moi, resté « Zoubir »… M’hammed Yazid, mort d’une chute à Alger, ce 31 octobre, âgé de 80 ans, se cachait sous ce nom à Paris au tout début des années 1950. Dans un immeuble syndical, rue La Fayette, où il disposait d’un petit bureau anonyme, il représentait clandestinement le MTLD (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques) de Messali Hadj, après s’être épuisé à organiser la publication de L’Algérie libre, hebdomadaire du mouvement : tâche de Sisyphe puisque ce journal, jamais officiellement interdit, vit dix-sept de ses numéros sur vingt et un saisis par la police, en 1949-1950, tandis que ses diffuseurs étaient arrêtés, brutalisés, traduits en justice et licenciés par leurs patrons.
Mais, comme l’écrit Albert Camus : « Il faut imaginer Sisyphe heureux. » Zoubir l’était. Chaleureux et détendu, plein d’humour en des situations qui, parfois, ne s’y prêtaient guère, il fut alors une de mes sources les plus intelligentes pour une enquête sur le sort des Algériens « dans la métropole » – comme on disait à l’époque.
C’est à Tunis que je le retrouvai, quelques années plus tard. Ayant, l’un des premiers, rejoint le FLN et retrouvé son nom de M’hammed Yazid, il avait été chargé par le tout nouveau GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne) du portefeuille de l’Information.

Ainsi officiait-il en un des lieux apparemment les plus banals mais, en vérité, des plus insolites de la capitale tunisienne : rue des Entrepreneurs. Il y avait là un Redha Malek tout en finesse qui dirigeait la rédaction d’El Moudjahid, l’hebdomadaire du Front, et le plus exubérant Ahmed Boumendjel. Mais on y croisait aussi ces individus hors normes qui font le charme des périodes « révolutionnaires » : tel l’effervescent Serge Michel, rescapé de l’exaltante et tragique aventure Lumumba, ou le psychiatre antillais Frantz Fanon, qui connaîtrait bientôt son heure de gloire comme champion des révolutions du Tiers Monde.
Yazid, dont la liberté d’esprit ne se démentira jamais, s’y trouvait à l’aise. Et, comme d’habitude en de pareils cas, il le sera peut-être moins, la victoire acquise. D’autres pourront retracer sa « carrière » qui n’en fut pas une : négociateur d’Évian, ambassadeur à l’ONU ou au Liban, directeur du bureau parisien de la Ligue arabe, etc. Il me suffit de savoir que, sur ses vieux jours, il créa près de sa demeure une modeste « Maison des libertés » à l’intention des journalistes ou autres hommes de culture. Et qu’il n’ambitionnait pas de la diriger, mais d’en être… le jardinier. Comme il avait raison – tant on aurait besoin, en politique, de plus de jardins et de jardiniers ! n

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