Mohamed Tozy : « Il est urgent de sortir de cet équilibre sous-optimal dans lequel vit le Maroc »
État fort, renforcement du rôle des Walis, augmentation du nombre de médecins, valorisation et formation des enseignants… Le politologue analyse les éléments préconisés par la commission Benmoussa pour parvenir au développement du royaume.
Le 25 mai dernier, après plusieurs mois d’attente, la commission présidée par Chakib Benmoussa rendait enfin public le fruit de sa réflexion sur le nouveau modèle de développement au Maroc. Un document imposant, dont les 170 pages se veulent une vision, des ambitions, des clefs… Mais en aucun cas un programme politique.
Conçu à la demande du roi Mohammed VI, et destiné à tous les Marocains désireux de voir leur pays émerger et prendre le train du développement, le rapport laisse pourtant un goût d’inachevé au premier abord.
À force de ne pas vouloir se substituer au gouvernement ou aux partis politiques, les idées qui y sont présentées semblent parfois un peu trop généralistes, évasives ou elliptiques.
Mais au milieu de ce magma dense, qui pourrait être assimilé à une sorte de déclaration collective de bonnes intentions, on trouve néanmoins, ici et là, quelques propositions très concrètes, en particulier sur des sujets essentiels comme l’éducation ou la santé. Ainsi qu’un rappel de ce qui fait la spécificité et la force du royaume. Explications de Mohamed Tozy, professeur à Sciences-Po Aix et membre de cette commission.
Jeune Afrique : Quels sont, selon vous, les points les plus saillants du rapport présenté par la commission Benmoussa au roi Mohammed VI ? Notamment sur des sujets où le changement est très attendu comme la santé ou l’éducation…
Mohamed Tozy : Ce qui ressort fortement du rapport en matière de préconisation, c’est justement son focus sur l’éducation, la santé et la protection sociale, avec des recommandations concrètes et chiffrées. Dans la discussion de départ sur la fonction même de la commission, il n’était pas prévu d’arriver à un tel niveau de détails, car il ne s’agissait pas pour nous de faire un programme politique ou de se substituer au gouvernement.
Il fallait proposer un modèle, mais on a fait le choix de donner des exemples pratiques qui serviront de démonstrations de faisabilité dans certains domaines.
Sur l’éducation, le diagnostic est clair notamment sur le décalage entre le niveau d’investissement dans le secteur et les résultats attendus. Il ne s’agissait pas pour nous d’ajouter une réforme à la réforme qui est déjà en cours. Mais nous avons en revanche questionné la capacité à mettre en œuvre les choses. Et cela est valable pour toutes les politiques publiques.
Justement. Pourquoi est-on incapable de mettre en œuvre les réformes, nombreuses aujourd’hui dans divers secteurs ?
D’abord, parce qu’on ne prend jamais le package dans sa globalité. On réalise ce qui est facile, et on laisse toujours ce qui est difficile. Dans l’éducation par exemple, on construit des classes, mais on ne s’occupe pas des programmes scolaires. Parce que ces programmes posent des questions de valeurs, de projets de société, donc on les laisse de côté.
On ne doit plus recruter les enseignants parmi les recalés du système universitaire
Par ailleurs, on ne s’occupe pas assez de la ressource humaine, de mobiliser et faire travailler les enseignants. Le fait que les enseignants représentent une force politique extrêmement puissante a certainement joué.
C’est ce qui est mis en perspective dans le document sur l’éducation, où l’on préconise de faire des choix clairs dans les orientations et de mieux s’occuper des enseignants.
Qu’entendez-vous par « s’occuper des enseignants » ?
Bien s’informer, mieux décider
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