L’enfer irakien s’éloigne

Publié le 12 novembre 2003 Lecture : 2 minutes.

Où sont passées les troupes turques ? « Il est désormais probable que nos soldats n’auront pas à s’engager dans l’enfer irakien », se félicitait le quotidien turc Milliyet le 28 octobre. Comme pour lui donner raison, le plan de relève des forces américaines basées en Irak, rendu public le 6 novembre par Washington, ne mentionne à aucun moment la présence de troupes turques.
L’affaire paraissait pourtant bien engagée : le Parlement turc avait voté, le 7 octobre, l’autorisation d’un déploiement de troupes en Irak, tandis que l’Amérique octroyait un prêt de 8,5 milliards de dollars à son alliée en échange de la poursuite de ses réformes économiques et, surtout, de son « aide » en Irak. Depuis, les plans d’une intervention s’enlisent dans les sables de la sinueuse diplomatie « ottomane », qui profite des hésitations de Washington pour amorcer un repli prudent.
On comprend la Turquie : les Américains ne lui accordent rien de ce qu’elle souhaite, ni un commandement autonome, ni la zone tant convoitée du nord de l’Irak où l’état-major rêve de régler leur compte aux cinq mille combattants du PKK-Kadek (le parti indépendantiste kurde de Turquie). Pis, le Pentagone répugne à tout engagement écrit. Or, depuis le « lâchage » de l’allié américain lors de l’invasion de Chypre en 1974 et le non-versement des dédommagements promis pour compenser les effets négatifs de la première guerre du Golfe sur l’économie turque, Ankara n’a plus confiance dans la parole de l’Amérique. Il exige que le moindre accord soit couché sur le papier, à la virgule près.
Officiellement, les discussions entre les deux gouvernements se poursuivent : le 3 novembre, Abdullah Gül, le ministre turc des Affaires étrangères, a dû le confirmer pour couper court aux rumeurs. Quelques jours plus tôt, Ahmet Necdet Sezer, le président de la République, avait déclaré que, pour lui, la discussion était « close »… Aujourd’hui, le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan répète que la Turquie agira en fonction de ses intérêts et que rien ne presse. Il est vrai que la zone proposée à ses soldats, le « triangle sunnite » (au nord et à l’ouest de Bagdad), est l’une des plus exposées.
À Washington, l’embarras est manifeste. L’opposition du Conseil de gouvernement transitoire irakien (CGT) à la venue de troupes turques se révèle plus forte que prévu. Et, le 20 octobre, une centaine de chefs de tribu irakiens, réunis à Mossoul, ont sommé leurs « frères turcs » de renoncer à leur projet, faute de quoi ils prendraient les armes. Preuve du malaise des Américains, ces derniers pressent maintenant les Turcs d’entamer un dialogue direct avec le CGT. Ce à quoi Ankara se refuse, estimant qu’il incombe à la « puissance occupante » de convaincre des responsables qu’elle a ellemême nommés. Comme pour compromettre davantage encore leur participation, les Turcs menacent à nouveau d’envoyer des troupes supplémentaires dans le nord de l’Irak (plusieurs milliers d’hommes y sont déjà infiltrés) au cas où la sécurité de leur pays serait menacée. Soucieux de ménager ses amis kurdes, Washington a accueilli très froidement cette annonce en forme de défi.

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