La Rhodésie blanche arrache son indépendance

Publié le 7 novembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Jusque-là, seule une colonie britannique avait osé proclamer unilatéralement son indépendance : les États-Unis d’Amérique, en 1776. Ce 11 novembre 1965, la Rhodésie du Sud est la seconde. Pourtant, la séparation d’avec la métropole décrétée par Ian Smith, qui prend la tête d’un gouvernement de grands propriétaires terriens blancs et racistes, n’a rien d’une libération.
L’histoire coloniale du Zimbabwe commence au XVIe siècle avec l’arrivée des Portugais, mais c’est après 1855 et la « découverte » par l’explorateur anglais David Livingstone des chutes Victoria que la présence britannique et boer se renforce. En 1888, le roi ndébélé Lobengula « concède » à l’homme d’affaires Cecil Rhodes des droits miniers au sud du Zambèze. Ce dernier obtient du gouvernement britannique une charte qui permet à sa société, la British South Africa Company (BSAC), d’administrer les territoires conquis en Afrique australe et centrale. L’installation de la Pioneer Column conduite par Leander Starr Jameson marque le début de l’arrivée massive des Blancs.

En 1895, la BSAC, dont le siège est à Salisbury (qui deviendra Harare en 1982), annexe les royaumes du Mashonalaland et du Matabeleland. Vaincus, les Ndébélés et les Shonas sont relégués dans des « réserves ». La politique de colonisation se poursuit. La BSAC offre 1 215 ha de terre à chaque nouveau colon et interdit aux indigènes les cultures commerciales. En 1922, les Blancs qui souhaitent s’affranchir de la BSAC réclament l’autonomie politique. Consultés par référendum, ils écartent le rattachement à l’Afrique du Sud et, en 1923, la Rhodésie du Sud devient colonie de la Couronne britannique. Un régime ségrégationniste comparable à l’apartheid est mis en place.
En 1953, la création d’une fédération regroupant la Rhodésie du Sud, la Rhodésie du Nord et le Nyassaland renforce, dix ans durant, la domination blanche ; mais, en 1963, ces deux derniers territoires accèdent à l’indépendance sous les noms respectifs de Zambie et Malawi. La naissance du Zimbabwe prendra un peu plus de temps…
En 1961, Joshua Nkomo crée la Zimbabwe African People’s Union (ZAPU). L’année suivante, Robert Mugabe fonde la Zimbabwe African National Union (ZANU). Mais c’est surtout le Rhodesian Front (RF), hostile à tout partage du pouvoir avec les Noirs, qui revendique le droit à l’indépendance. À sa tête, William Harper et Ian Smith. Aux finances, Douglas Ilford, un millionnaire propriétaire d’une ferme de 15 000 ha.

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Sous la pression des pays africains, le gouvernement britannique, que dirige Harold Wilson, refuse d’accorder l’indépendance aux acolytes de Smith. Mais quand celui-ci s’en empare, après deux ans de vaines négociations, le Royaume-Uni s’en remet à l’ONU et prône des sanctions économiques « non punitives ». En dépit des belles paroles de Diallo Tlli, son secrétaire général (« Si plus de 200 millions d’Africains libres ne parviennent pas à riposter efficacement à 200 000 colons, alors nous n’aurons pas mérité la confiance de nos peuples »), le plan d’action de la toute jeune OUA restera lettre morte.
De fait, après le 11 novembre, seule l’Afrique du Sud raciste reconnaît la colonie sécessionniste, qui peut néanmoins compter sur le soutien indirect du Portugal colonialiste de Salazar. La ZAPU et la ZANU sont interdites, et leurs dirigeants emprisonnés. Les armes commencent à parler. En 1969, la Loi fondamentale adoptée par les Blancs exclut toute possibilité d’accession au pouvoir pour la majorité noire. Dix ans et vingt mille morts plus tard, les accords de Lancaster House (Londres) débouchent enfin sur une véritable indépendance, le 18 avril 1980. Mais pour le Zimbabwe, la question du partage des terres est encore loin d’être réglée.

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