L’Afrique au coin de la rue

En finançant des projets artistiques dans le cadre du programme Africalia, la Coopération belge entend promouvoir la création sur le continent.

Publié le 6 novembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Africalia. Quatre syllabes, une définition un peu floue et, au final, une énorme ambition : ne pas être « un bailleur de fonds de plus », mais « un partenaire à l’écoute », soucieux de faire « découvrir les cultures contemporaines de l’Afrique ». Initié en 2001 par Eddy Boutmans, alors secrétaire d’État à la Coopération au développement, Africalia veut « concrétiser les objectifs définis dans l’article 27 des accords de Cotonou, qui placent la culture au centre de la lutte contre la pauvreté », le tout à travers des dizaines de spectacles et d’expositions. Pour l’édition 2003, la Belgique s’est donc mise, sept mois durant, aux couleurs du continent.
Difficile d’être exhaustif, mais, consciencieusement, Murielle Hasson, porte-parole d’Africalia, énumère : « Partout dans le pays, nous avons programmé de la musique – contemporaine, jazz ou classique -, de la danse, des animations de rue, du théâtre, du cinéma, de la littérature, de la bande dessinée, des expositions photographiques… Depuis le début du mois de mars, nous avons fait venir au moins six cents artistes et techniciens africains. » Il y a eu la Grand-Place de Bruxelles revisitée à la mode marrakchie ; la photographe sud-africaine Sue Williamson, exposée au Centre d’art contemporain ; l’hommage rendu au cinéaste sénégalais Sembène Ousmane ou encore Ubu Roi, joué par des acteurs camerounais et burkinabè. « À chaque fois, explique Toma Muteba Luntumbue, coordinateur des projets d’Africalia pour les arts visuels, tout a été fait avec le plus grand professionnalisme afin de lutter contre le misérabilisme qui colle à l’Afrique. » Pour susciter un réel intérêt auprès du public belge et des communautés immigrées, et « parce que l’Afrique, ce n’est pas que la guerre ou la famine, souligne Murielle Hasson, il a fallu casser les préjugés ». Sortir, enfin, de l’exotisme et du folklore.
À quelques semaines de la fin de la saison, les promoteurs d’Africalia estiment déjà qu’elle « a rempli sa mission ». D’abord parce que « les gens ont aimé ce qui leur a été montré ; maintenant, ce sont eux qui sont demandeurs ». Ensuite parce qu’elle a permis a beaucoup d’artistes de se faire connaître et, parfois, de décrocher des contrats en Belgique ou en Europe. Et l’on aime citer, au siège d’Africalia, le cas de Bertin Prosper Amanvi, dessinateur ivoirien de bandes dessinées, qui a pu trouver un éditeur : « Au final, nous avons été plus qu’un festival : une véritable campagne d’ouverture des esprits. » Avec un bémol, tout de même, émis par certains représentants des associations africaines installées dans la capitale belge : « C’est très bien ce qu’ils ont monté, mais cela a aussi donné l’impression que rien n’était fait auparavant. Comme si les cultures africaines n’avaient jamais eu leur place en Belgique. »
L’essentiel, martèle-t-on à Africalia, « était de prouver que l’art pouvait être un facteur de changement, sans tomber dans le didactisme ni faire de l’art au service du développement, façon organisation non gouvernementale ». Car, si c’est en Belgique qu’Africalia s’est fait connaître, c’est bien en Afrique qu’elle entend être le plus présente. « La saison 2003 n’est en fait que la partie cachée de l’iceberg. Notre priorité numéro un est toujours de soutenir les actions entreprises sur le continent même. »
Le soutien apporté par la Coopération belge est essentiellement d’ordre financier, puisque Africalia peut prendre en charge entre 60 % et 80 % des frais inhérents aux projets. « Nous nous gardons quand même d’être trop interventionnistes dans leur élaboration, assure Hélène Madinda, coordinatrice pour le cinéma et la littérature : il faut responsabiliser nos partenaires et les traiter d’égal à égal. Sur le terrain, pas question d’être en permanence à leurs côtés. » Et l’on se refuse, chez Africalia, à soutenir des projets trop ponctuels : « L’idée, c’est d’intervenir sur la professionnalisation des compétences africaines. Pas de financer des one-shots : notre travail doit s’inscrire dans la durée. »

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