JohnCom s’attaque au Nigeria

Une firme sud-africaine exporte ses multiplexes. Et se prépare à investir dans la production de disques et l’édition.

Publié le 7 novembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Trois, quatre, cinq, voire six salles de cinéma réunies en un seul endroit. Ajoutez à cela un magasin de disques et une librairie : l’enseigne sud-africaine de multiplexes NuMetro va bientôt offrir ses produits de divertissement aux habitants de Lagos et d’Abuja. Les constructions ont déjà commencé, et les premières images devraient être projetées mi-2004. Les cinémas très modernes des Sud-Africains devraient faire sensation dans ces villes nigérianes les sorties culturelles sont rendues difficiles par la violence urbaine. Mais cela n’effraie pas des investisseurs rompus aux problèmes de sécurité.
Johnnic Communications, plus communément appelé JohnCom, le géant sud-africain des médias qui possède NuMetro, a lancé son offensive commerciale sur tout le continent au mois de septembre, après avoir peaufiné sa stratégie pendant deux ans. Après le Kenya, qui possède déjà son complexe NuMetro, le Nigeria est la deuxième cible de ce que le directeur de la toute nouvelle unité du groupe, JohnCom Africa, appelle « le triangle d’or » de l’entreprise. À savoir : le Kenya, l’Ouganda et la Tanzanie en Afrique de l’Est, le Nigeria et le Ghana en l’Afrique de l’Ouest, et enfin la Zambie et le Zimbabwe en Afrique australe – mais seulement à partir de 2006 pour ce dernier pays, aujourd’hui fermé à tout investissement. Et s’il s’agit dans un premier temps d’établir l’enseigne la plus visible du groupe – les complexes cinématographiques -, les autres produits devraient suivre dans la foulée.
C’est que l’Afrique du Sud est déjà trop petite pour JohnCom, qui gère des filiales aussi prospères et célèbres que Gallo pour la musique, Exclusive Books pour les livres ou encore le Sunday Times et le Daily Dispatch pour la presse. Tout en étant aussi le distributeur de la 20th Century Fox et de Warner Bros. en Afrique du Sud.
« Nous avons une vision très claire de ce que nous voulons faire en Afrique. Le marché est énorme, et il y a un grand potentiel pour conclure des affaires dans de nombreux pays africains, sans qu’il y ait encore beaucoup de concurrence. Pour le cinéma, par exemple, les Américains et les Européens ne sont pas encore arrivés sur le continent », explique Brian Pottinger, qui a été nommé directeur de JohnCom Africa en septembre.
Pour l’entreprise, il ne s’agit pas d’exporter « en kit » les produits sud-africains. « Nous ne voulons surtout pas être vus comme l’envahisseur sud-africain », explique Pottinger. Un danger bien réel puisqu’on pouvait récemment lire dans la presse nigériane que « l’Afrique du Sud s’immisce rapidement dans toutes les facettes de l’économie du pays » (The Weekly Trust du 13 septembre). D’où la nécessité pour JohnCom de réaliser des partenariats et de produire des artistes locaux, tout en promouvant les réalisations sud-africaines.
Pour le cinéma, JohnCom compte travailler de concert avec les producteurs nigérians. Le marché du film du Nigeria est gigantesque : sans doute le troisième au monde après Hollywood et Bollywood. « Nous sommes même en train d’essayer de négocier au niveau de la commission bilatérale, c’est-à-dire au niveau étatique », confie Pottinger. Un choix qui pourrait se révéler payant pour contrer le problème principal auquel les entreprises culturelles font face dans ces pays : le piratage. Le Nigeria comme le Kenya sont régis par des législations très rigoureuses sur la propriété intellectuelle… qui restent difficilement applicables. D’où l’intérêt d’approcher les réseaux illégaux ou « locaux » pour leur proposer de faire du « business propre ».
Si, pour l’instant, JohnCom s’intéresse surtout à l’Afrique anglophone, c’est surtout pour des raisons pratiques. « Nous ne connaissons pas très bien les pays d’Afrique francophone, c’est vrai. Mais nous surveillons de près l’Afrique de l’Ouest, surtout en ce qui concerne la musique, assure Pottinger. Nous voudrions vendre leurs CD dans nos boutiques. »
L’Afrique n’a donc qu’à bien se tenir. JohnCom arrive. « Pour nous, le continent est un premier pas pour devenir une entreprise multinationale. Et c’est une avancée plus logique que de s’attaquer directement aux marchés occidentaux. Le moment est venu pour l’Afrique, au niveau politique, économique et institutionnel. Il y a moyen d’agir, dorénavant ».

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