Devoir de mémoire

Publié le 7 novembre 2003 Lecture : 3 minutes.

A quelques kilomètres de Bruxelles, Tervuren et son inénarrable musée royal de l’Afrique centrale, anciennement musée du Congo. Créé en 1898, il abrite « une collection unique dans un bâtiment qui a été conçu comme un institut de promotion de la colonisation belge, au début du XIXe siècle, mais qui n’a pas changé depuis quarante ans », résume Guido Gryseels, son directeur. La statue d’un colon blanc, aux pieds duquel s’agenouillent deux Africains, y célèbre toujours « la Belgique apportant la civilisation au Congo ». Rien, en revanche, sur la fonction culturelle des masques et des statuettes présentés ; rien sur la manière dont le royaume les a obtenus ; rien, enfin, sur les 10 millions de Congolais tués pendant la colonisation.

« Nos jeunes ne savent pas grand-chose de cette époque, explique le directeur, mais la Belgique est prête pour la confrontation. » L’exposition baptisée « Congo, le Temps colonial. Une histoire partagée », qui doit s’ouvrir en janvier 2005, incarne le nouvel esprit que Gryseels veut insuffler à Tervuren. Suivront des travaux de rénovation et de modernisation, évalués à 27 millions d’euros, qui ne s’achèveront pas avant 2010. Avec, à la clé, un recensement aussi complet que possible du passé colonial belge, y compris des années 1885-1908, quand le Congo était encore la propriété privée du roi Léopold II. « Ce travail est nécessaire. Sans cet examen de conscience, la Belgique ne peut pas espérer développer un partenariat étroit avec la République démocratique du Congo, le Rwanda et le Burundi. » Le chemin promet d’être difficile : « À chaque fois que je donne une interview pour expliquer ce que nous voulons faire à Tervuren, raconte Gryseels, je reçois des dizaines de lettres de mécontentement. Les premières sont envoyées par d’anciens coloniaux pour lesquels Léopold II demeure le seul visionnaire qu’ait jamais compté la Belgique. Les secondes émanent de gens qui estiment qu’on ne va pas assez loin dans cette démarche de remise en question. » L’initiateur de l’exposition, lui, dit travailler en étroite collaboration avec les communautés africaines de Belgique, et vouloir « une revue critique mais constructive de cette histoire commune. Il ne s’agit ni d’héroïser ni de diaboliser, mais d’informer et de comprendre. »

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Lourde tâche dans un pays où la colonisation comme la décolonisation sont encore ressenties comme un traumatisme. Les remous occasionnés par les travaux de la commission d’enquête parlementaire sur l’implication de la Belgique dans le génocide rwandais (commission dirigée par Guy Verhofstadt) en témoignent. Tout comme le pardon demandé au Rwanda « au nom de [son] pays, au nom de [son] peuple », le 7 avril 2000, par le même Guy Verhofstadt, devenu Premier ministre. Tout comme le tollé suscité par la difficile analyse de la responsabilité des autorités belges dans l’assassinat, perpétré en 1961, de Patrice Lumumba, premier chef de gouvernement du Congo indépendant. Cet examen a mené, en novembre 2001, à la reconnaissance d’une « responsabilité morale » de certains membres du gouvernement belge de l’époque dans la mort de Lumumba. Mais cela prouve aussi que, si la relecture du fait colonial n’a pas mobilisé le peuple belge, qui a longtemps jugé la colonisation de manière positive, les autorités du pays, en revanche, tentent de reconsidérer le passé. Dans un État devenu fédéral, explique Colette Braeckman, journaliste du quotidien Le Soir et spécialiste de la région des Grands Lacs, elles « ont entrepris de mener jusqu’au bout la recherche de la vérité sur la politique africaine menée jadis par l’État unitaire ». Pour contribuer peu-être à faire revenir la paix « dans un Congo qui ne s’est jamais remis du crime d’État » commis en 1961. Et pour construire de nouvelles relations avec l’Afrique.

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