Kenya : le changement climatique à l’assaut du thé
Hausse des températures, précipitations irrégulières, sècheresses, invasions d’insectes… Pour faire face à la multitude de chocs liés au climat, les agriculteurs et les multinationales cherchent des solutions alternatives.
D’ici 2050, le changement climatique devrait réduire de -26% les régions du Kenya où la culture du thé est optimale. Selon un récent rapport de l’ONG britannique Christian Aid, la réduction des zones de culture pourrait atteindre -39% dans les espaces de « qualité moyenne ».
De manière plus générale, ce rapport montre que le Kenya est très vulnérable au changement climatique. D’après les projections, la température annuelle du pays devrait augmenter de 2,5 degrés Celsius entre 2000 et 2050.
À l’avenir, les précipitations deviendront plus intenses et moins prévisibles. « Même la plus légère augmentation des sécheresses présentera des défis majeurs pour la sécurité alimentaire et la disponibilité de l’eau », indique le rapport de Christian Aid.
Selon une autre étude récente de l’Organisation des Nations Unies pour l’agriculture et le climat (FAO), commandée par l’Agence suédoise de coopération internationale et de développement, 700 cultivateurs travaillant dans les sept régions de thé du Kenya ont constaté des changements dans la répartition et la distribution de l’eau de pluie, ce qui provoque une baisse des rendements.
Au moins 40 % des personnes interrogées ont déclaré avoir remarqué des changements dans les saisons des pluies et des sécheresses, ce qui a entraîné des décalages dans la saison des plantations.
Les cultivateurs de thé, inquiets par ces résultats, réfléchissent aux alternatives. Si certains envisagent de passer à d’autres semences à court terme – maïs, haricot, pomme de terre, légumes, d’aucuns sont déterminés à poursuivre la culture du thé et comptent s’inspirer des grandes plantations et des mesures d’atténuation que ces dernières ont mises en place.
Planter des arbres pour lutter contre la sécheresse
Ezekiel Kibet est l’un des 10 000 petits exploitants agricoles travaillant pour la multinationale britannique de thé James Finlay – présente dans la capitale kényane du thé Kericho. Il indique avoir planté des arbres indigènes dans sa ferme de quatre hectares, dans le village de Kipsolo. « Il y a eu un léger déclin de la production de thé en raison des précipitations erratiques dans cette région. Je cultive le thé depuis quarante ans. L’évolution négative de la production que j’ai connue au cours des dix dernières années est le résultat d’un temps sec prolongé », explique le cultivateur Ezekiel Kibet.
En plus de s’occuper de sa propre production, il participe à la session de plantation d’arbres organisée dans le village par l’entreprise James Finlay. « Nous plantons au moins 3 000 arbres connus pour leur pouvoir de conservation de l’eau. L’entreprise a constaté une dilapidation incontrôlée de la couverture de la forêt de Mau West, qui est à l’origine des pluies qui font vivre les multinationales du thé et les petits exploitants agricoles », explique Sammy Kirui, responsable des affaires publiques chez James Finlay Kenya.
L’entreprise britannique mise sur les progrès technologiques pour défendre une agriculture durable : agriculture de précision, utilisation de la bioénergie dans la production et implication des communautés dans la conservation de la forêt.
« Notre plantation s’étend sur 7 000 hectares. Nous avons maintenu la couverture forestière dans notre zone d’exploitation. James Finlay assume la responsabilité de tout arbre abattu [coupé] dans notre région d’exploitation », déclare le manager kényan, ajoutant qu’un « simple acte d’injustice envers l’environnement menace les générations [futures] ».
« Réduire l’empreinte environnementale »
« Nous sommes conscients que le changement climatique s’accélère et représente un risque pour la culture du thé. Alors que les conditions météorologiques extrêmes et les catastrophes naturelles persistent, nous nous engageons à atténuer et à prévenir les futures punitions de Mère Nature », avance le géant des biens alimentaires Unilever.
La multinationale anglo-néerlandaise fournit des fourneaux propres et modernes aux producteurs de thé, réduisant ainsi le recours au coupes incontrôlé de bois pour la fabrication de charbon – qui contribue au réchauffement climatique et entraîne pollution de l’air et aux maladies respiratoires.
En 2019, Unilever s’est par ailleurs associé à CrossBoundary Energy, un fonds d’investissement spécialisé dans le financement de projets électriques hors réseau pour les entreprises, afin de mettre en place un mini-réseau solaire de 619 kWc pour le traitement du thé dans ses usines de Kericho.
« L’installation d’énergie solaire sur notre site de Kericho démontre notre engagement à réduire l’empreinte environnementale », assure Sylvia Ten Den, patronne d’Unilever Tea Kenya.
« Nous devons agir maintenant pour stopper les effets négatifs futurs du changement climatique. Un changement considérable des scénarios climatiques a eu lieu, non seulement dans la vallée du Rift au Kenya, mais partout dans le monde. Alors que l’Afrique produit moins de carbone, le continent est fortement impacté », a déclaré le géant alimentaire dans son rapport de durabilité 2019.
Depuis plus de 300 ans, Twinings Tea s’approvisionne en thé auprès de petits exploitants agricoles dans le monde entier, y compris au Kenya. En 2016, l’entreprise britannique a mis en place le programme « Sourced with Care » qui favorise la durabilité ainsi que la préservation de l’environnement.
Pour cela, Twinings Tea travaille avec les cultivateurs locaux à développer des projets de compensation du carbone émis tout au long de la chaîne d’approvisionnement.
Incitations et « meilleures politiques » de la part du gouvernement
Selon le rapport sur l’impact social 2021 de Twinings Tea, l’initiative « Sourced with Care » a aidé près de 8 000 petits exploitants. En effet, grâce à ses divers projets de partenariats, plusieurs centres de production de thé ont reçu une certification reconnue au niveau international.
Les travaux entrepris par ces multinationales sont des signes de progrès environnementaux. Or, pour que ces projets soient efficaces, les commerçants locaux et les experts en environnement estiment que le gouvernement doit améliorer ses politiques vertes.
Philip Rono, président de FinTea Cooperative Union, un regroupement de cinq sociétés coopératives dans les comtés de Kericho et de Bomet, pense que l’État devrait proposer des incitations ou de meilleures politiques pour compléter ce que font les agriculteurs et les multinationales.
« Cela ne sert à rien que des multinationales investissent des ressources pour préserver l’environnement et qu’une autre entreprise rejette ses déchets dans l’eau et reste impunie ou traitée avec des gants de bébé », avertit Philip Rono.
L'éco du jour.
Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus – Économie & Entreprises
- La Côte d’Ivoire, plus gros importateur de vin d’Afrique et cible des producteurs ...
- Au Maroc, l’UM6P se voit déjà en MIT
- Aérien : pourquoi se déplacer en Afrique coûte-t-il si cher ?
- Côte d’Ivoire : pour booster ses réseaux de transports, Abidjan a un plan
- La stratégie de Teyliom pour redessiner Abidjan