Accra ou le chaos

Une demi-douzaine de chefs d’État de la sous-région sont attendus au Ghana le 11 novembre pour un sommet de la dernière chance.

Publié le 12 novembre 2003 Lecture : 4 minutes.

Aura lieu ? N’aura pas lieu ? Avec la participation des quinze pays membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ? Plusieurs jours après la visite-éclair chez leur homologue ivoirien Laurent Gbagbo, le 30 octobre à Abidjan, des chefs d’État ghanéen John Kufuor, président en exercice de la CEDEAO, et nigérian Olusegun Obasanjo, les pronostics allaient bon train sur la tenue ou non, les 11 et 12 novembre à Accra, d’un sommet de l’organisation d’intégration régionale sur la crise ivoirienne. Même si l’annonce en a été officiellement faite depuis la capitale ghanéenne le 1er novembre, aucune certitude n’était encore acquise à trois jours du conclave.
À ce minisommet d’Accra, une demi-douzaine de chefs d’État étaient attendus : le président Gbagbo, bien sûr, mais aussi ses pairs Gnassingbé Eyadéma du Togo, Olusegun Obasanjo du Nigeria, Mathieu Kérékou du Bénin et Blaise Compaoré du Burkina. Pour vaincre les réticences de ce dernier, il a fallu que Kufuor lui dépêche, le 5 novembre, son ministre des Affaires étrangères, Nana Akufo-Addo. À l’arrivée, c’est un petit comité qui devait se réunir dans la capitale ghanéenne. « Par souci d’efficacité », expliquait-on, et pour « laver le linge sale en famille ».
De fait, les chefs d’État envisageaient de convaincre les présidents Gbagbo et Compaoré d’avoir (après celle de Bamako, début décembre 2002, à l’initiative du chef de l’État malien Amadou Toumani Touré) une autre explication franche et fraternelle, mais d’homme à homme. Car même si la frontière entre les deux pays est rouverte au trafic routier et ferroviaire, les relations demeurent toujours empreintes de défiance. Dernière illustration en date : la tentative de putsch déjouée début octobre à Ouagadougou et derrière laquelle le procureur burkinabè Abdoulaye Diallo a vu la main de la Côte d’Ivoire et du Togo.
Pour cette rencontre, il ne devrait pas s’agir, comme début mars dernier à Accra, d’amener les différentes parties prenantes à s’entendre sur la composition du gouvernement de réconciliation nationale. Mais de relancer le processus de paix, en panne depuis la décision, fin septembre, des Forces nouvelles (ex-rébellion) de boycotter les travaux du Conseil des ministres. L’offensive diplomatique qui a ponctué tout le mois d’octobre, avec les déplacements du Premier ministre Seydou Elimane Diarra à Accra, de Laurent Gbagbo chez Obasanjo et Kufuor, lequel avait reçu dans la foulée, successivement, Alassane Ouattara du Rassemblement des républicains (RDR), Guillaume Soro des Forces nouvelles, et l’ancien président Henri Konan Bédié, avait permis de répertorier les difficultés ainsi que les doléances des uns et des autres.
Aux chefs d’État de trouver la solution susceptible de ressouder l’attelage au pouvoir à Abidjan, solution que le président Kufuor devait présenter aux parties prenantes de la crise invitées par ses soins. Au secrétaire général des Nations unies Kofi Annan d’obtenir que le Conseil de sécurité – qui devrait renouveler, le 11 novembre, le mandat de son représentant spécial en Côte d’Ivoire, le Béninois Albert Tévoédjrè – appuie les efforts de la CEDEAO « destinés à revigorer le processus de paix ». Une démarche qui, pour Annan, passe par « le désarmement, la démobilisation et la réinsertion des groupes armés, et la restauration de l’autorité de l’État à travers le pays », laquelle n’est possible sans le retour de la paix et de l’État de droit. Le propos n’est pas nouveau. Mais cette fois – la dernière ? -, il a peut-être quelque chance d’être entendu.

À la CEDEAO comme à l’ONU, l’unanimité semble acquise sur le fait que le pouvoir – celui de Gbagbo s’entend – n’arrivera pas à être totalement le pouvoir tant que se poursuivront le manoeuvres dilatoires de ses partisans et les surenchères de ses adversaires politiques. Cet entêtement, presque suicidaire, des uns et des autres bloque tout – sauf la violence récurrente. Au point qu’en marge de leurs travaux les participants à la rencontre d’Accra pourraient évoquer ouvertement l’hypothèse d’une implication plus directe de l’ONU dans le dossier ivoirien (voir Confidentiel p. 9).
En prenant les choses en main, l’organisation internationale arrangerait tout le monde, notamment la CEDEAO, qui, pour une question d’efficacité et pour sortir d’une situation qui hypothèque le devenir économique de la région, n’exclut pas de doubler ses effectifs (un peu plus de 1 300 hommes aujourd’hui), mais se trouve confrontée à de grosses difficultés financières. Sans oublier la France, qui voudrait voir son rôle plus largement partagé – et pas nécessairement à cause de soucis budgétaires.
À la veille de la convocation de ces entretiens, comme pour donner quelque gage de bonne volonté à ses pairs, le président Gbagbo avait instamment demandé à son Premier ministre d’inscrire à l’ordre du jour du Conseil des ministres tous les textes issus des accords de Marcoussis. Une décision qui venait après celle d’engager le redéploiement de l’administration dans l’ouest du pays, où elle était quasiment absente depuis l’éclatement du conflit en septembre 2002. Mais cette initiative du chef de l’État ivoirien suffira-t-elle pour qu’il « garde » la main et pour remettre enfin le processus de Marcoussis sur les rails ? Ses pairs se promettaient en tout cas de lui rappeler leur souhait de le voir laisser au chef de son gouvernement et à ses ministres plus de marge de manoeuvre – et de le voir, par là même, se placer, lui, au-dessus du lot.

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