Écrans vides au Tchad

Publié le 12 novembre 2003 Lecture : 2 minutes.

« Ce ne sont pas des films pour nous », a déclaré un jour au réalisateur tchadien Mahamat-Saleh Haroun l’un de ses parents. Une remarque prononcée après la projection d’un court-métrage évoquant Freud. « À quoi ça sert, le cinéma ? » demandait aussi ce parent sceptique sur l’intérêt de proposer ce type d’oeuvre à un Africain aux prises avec les difficultés du quotidien, avant de conclure : « Si seulement tu étais devenu docteur, tu aurais pu soigner ta mère. »
Mahamat-Saleh Haroun venait de rentrer à N’Djamena, après dix ans d’absence, à l’occasion du décès de sa mère. Ces remarques ne pouvaient le laisser indifférent. Venu avec sa caméra vidéo, il a alors décidé… de tourner un film sur son travail de cinéaste et sur l’état du septième art dans son pays. Un questionnement dont l’enjeu est crucial. Le Tchad, après vingt ans de guerre civile, est privé de tout cinéma digne de ce nom : personne ne tourne, plus aucune salle ne fonctionne.
Bye-bye Africa serait un documentaire sur la difficulté de réaliser des films en Afrique ? Pas du tout. Mahamat-Saleh Haroun nous invite dans ce « docu-fiction » à suivre les pérégrinations d’un réalisateur – lui-même – hanté par les questions évoquées ci-dessus et désemparé par ce qu’il découvre. Ce qui nous vaut d’assister à toute une série de scènes drôles, touchantes, tragiques, qui évoquent les conditions de vie dans un pays ravagé par la loi des armes. Dans un style qui, loin de tout didactisme, peut rappeler celui d’un Nanni Moretti, toutes proportions gardées.
Le film vaut donc avant tout par ses échappées. Ici, en nous faisant découvrir le destin d’une ancienne actrice rejetée pour avoir joué le rôle d’une malade du sida ; là, en nous permettant d’assister au casting d’un film qui ne sera jamais tourné.
Le ton très original du film et la sincérité du propos font vite oublier certaines maladresses. Invité au Festival de Venise, en 1999, Bye-bye Africa a obtenu le prix de la « meilleure première oeuvre ». On ne peut que regretter qu’il ait fallu attendre quatre ans, et le succès mérité d’ deuxième long-métrage du réalisateur, pour que le grand public puisse enfin le voir sur grand écran. En France mais aussi, espérons-le, sur le continent.

Bye-Bye Africa, de Mahamat-Saleh Haroun
(Sorti à Paris le 5 novembre)

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