Chirac en Afrique : les à-côtés d’un périple

Publié le 12 novembre 2003 Lecture : 4 minutes.

Avec plusieurs confrères français, j’ai « couvert », du 22 au 26 octobre, le voyage officiel de Jacques Chirac dans deux grands pays sahéliens d’Afrique occidentale, le Niger et le Mali. Expérience intéressante, animée, mais quelque peu frustrante. Ce type de déplacement est trop solennel, trop court et trop haché pour permettre à un journaliste de voir du pays et de faire un travail en profondeur, même s’il connaît par ailleurs – c’est mon cas – les États en question. Au-delà du voyage lui-même (voir J.A.I. n° 2234), je désire juste partager avec vous trois ou quatre anecdotes, vous raconter quelques à-côtés d’un périple qui a, sans doute, nécessité plusieurs mois de préparation et une logistique impressionnante. Du moins, pour un Makaya comme moi.

Journaliste et journaliste
Première surprise, lorsque j’entre, ce mardi 21 octobre, dans l’Airbus A-310 de l’armée de l’air française, à l’aéroport Charles-de-Gaulle ! Il y a des places nommément réservées, à l’avant de l’appareil, pour quelques conseillers du prince (ce qui peut se comprendre), mais aussi – ce qui l’est moins – pour des journalistes. Ces privilégiés sont, pour la plupart, des confrères travaillant au « Service politique » des grandes chaînes de télévision généraliste, des faiseurs d’opinion et autres commentateurs de soirées électorales à qui l’on ne refuse visiblement rien. Les autres journalistes sont priés de s’installer dans le fond, où – vérité oblige – le champagne coule tout autant.
À quelques minutes du décollage, un conseiller de presse de l’Élysée vient gentiment me proposer, alors que j’étais déjà en conversation avec Frédéric Lejeal (Marchés tropicaux), de rejoindre l’avant de l’appareil, où une place m’attend :
– Je vous remercie, mais j’ai retrouvé un vieux copain. Je préfère voyager en sa compagnie.
– Comme vous voulez !
Attachez les ceintures !
Jacques Chirac, on le sait, est entré au Mali, le 24 octobre, par Tombouctou. Comme jadis son compatriote René Caillé, arrivé dans la « Cité mystérieuse » sans visa, pour reprendre une formule imagée du président malien Amadou Toumani Touré. Ambiance de fête, accueil par quelque deux mille chameliers, déjeuner sous une tente plantée derrière les dunes. En quittant Tombouctou pour Bamako, dans l’après-midi, les membres de la délégation présidentielle ainsi que les journalistes prennent place, par petits groupes, à bord de trois Transall C-160 de l’escadrille française.
Une dizaine de minutes après le décollage, l’un des moteurs s’arrête brutalement. Et, dans la carlingue, nous commençons à sentir une odeur de carburant. À situation grave, mesures d’exception : « Nous avons des ennuis techniques, et nous sommes obligés de retourner à Tombouctou. Veuillez attacher vos ceintures de sécurité et vous accrocher ! » Je cherche du regard Serge Daniel, le correspondant de Radio France Internationale au Mali, livide derrière ses lunettes de soleil. Sur un autocollant placé juste en face de moi, je peux lire ce slogan très martial : « Qu’ils nous haïssent ! Pourvu qu’ils nous craignent ! » Mais, pour l’instant, ce ne sont pas ces braves militaires qui me font peur.
Fonctionnaires de l’Élysée et du Quai d’Orsay, agents de sécurité, photographes et journalistes, nous sommes tous subitement devenus aphones, d’autant que certains d’entre nous ont aperçu l’hélice du Transall arrêter sa rotation. Seule une jeune femme blonde, infirmière dans l’escadrille, essaie, sans grande conviction, de continuer de sourire.
Après une manoeuvre qui a semblé durer une éternité, le commandant de bord réussit à se poser à Tombouctou, que nous avons quitté à peine une demi-heure plus tôt. Et tous les passagers, en grande transpiration, de pousser un ouf ! de soulagement. Quelques minutes plus tard, nous voilà, pas rassurés du tout, dans un autre Transall. Destination : Bamako.

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Faciès
Le 22 octobre, vêtu d’une chemise large en bazin africain, j’emprunte le car réservé aux journalistes français pour aller accueillir Jacques Chirac, attendu en fin d’après-midi à l’aéroport Hamani-Diori, de Niamey. Ambiance, tambours, cavaliers, bain de foule, allocution de bienvenue du président nigérien Mamadou Tandja, discours de remerciement de son hôte du jour. Une heure plus tard, retour au car de la presse. Un cerbère m’en refuse l’accès. Échange :
– Ce car est réservé aux seuls journalistes français.
– Je peux donc monter à bord ?
– Vous êtes venu de Paris ?
– Oui… Et vous ?
– [Visiblement désarçonné par ma question]… Bien entendu !

« Bis repetita »
Le 24 octobre, nous quittons Niamey pour Tombouctou. En sortant de l’hôtel Gaweye, je me dirige vers le même car. Je porte une autre chemise africaine. Semblant s’apercevoir tout d’un coup de ma présence, une dame bien connue des habitués des voyages présidentiels, à Paris, me lance de loin :
– Vous n’êtes pas concerné. C’est uniquement pour les journalistes français !
– Je veux bien rester à Niamey, Madame, si vous en décidez ainsi !
Intervention gênée d’un de ses collègues, le même qui, sur le vol Paris-Niamey, m’avait proposé de venir m’installer à l’avant : « C’est l’envoyé spécial de Jeune Afrique. » Et tout rentra dans l’ordre.

L’hôtel Nord-Sud
À l’hôtel Nord-Sud, à Bamako, il arrive que les gens du Nord et du Sud se rencontrent, mais pas toujours dans les conditions que l’on imagine. Dans la nuit du 24 au 25 octobre, je devisais avec un vieil ami malien Tiébilé Dramé dans le hall, lorsque nous aperçûmes, aux alentours de 1 h 30 du matin, un confrère célèbre sur la place de Paris, et au-delà, rentrer accompagné d’une péripatéticienne du cru roulée dans un jean moulant. Le couple s’engouffra aussitôt dans l’ascenseur. La suite, je l’ai appris, le lendemain, de la bouche des agents de la sécurité malienne affectés à la (discrète) protection des journalistes : « Votre confrère de la chambre X a eu de sérieux ennuis avec la fille. Au lever, elle lui a réclamé plusieurs centaines d’euros, qu’il a, bien entendu, refusé de payer. Elle a alors fait un scandale, et nous avons dû intervenir… »

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