Wanted Charles Taylor
Le débat sur le sort de l’ex-président Charles Taylor, actuellement en exil au Nigeria, aura empoisonné la vie politique libérienne jusqu’à la veille de la présidentielle du 11 octobre. Desmond de Silva, procureur du Tribunal spécial de l’ONU pour la Sierra Leone (TSSL), a réitéré, le 30 septembre, son souhait de voir comparaître le reclus de Calabar (sud-est du Nigeria) devant sa juridiction. L’ex-homme fort du Liberia a été inculpé par le TSSL pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis durant la guerre civile qui a ravagé la Sierra Leone entre 1991 et 2001. Mais il a échappé à la justice grâce à la protection de son hôte nigérian depuis août 2003. C’est pourquoi le procureur du TSSL compte demander l’aide de certains pays membres de l’Union africaine (UA) susceptibles de faire fléchir Abuja.
« Les conditions de l’asile accordé à Charles Taylor en 2003 n’avaient pas comme contrepartie l’exigence de le remettre à une cour internationale, expliquait, en mai dernier, Olusegun Obasanjo dans une interview à J.A.I. [voir n° 2317]. Tant que cela sera nécessaire, nous respecterons les termes fixés. » Le chef de l’État nigérian a toujours justifié son attitude par sa volonté de respecter la parole donnée à Taylor, rappelant régulièrement que ce dernier avait été admis au Nigeria dans le cadre d’un accord destiné à mettre fin au bain de sang dans son pays. Selon lui, toute remise en question de cet accord pourrait gravement nuire à « la crédibilité de la politique étrangère du continent, notamment en matière de résolution des conflits ».
S’il refuse de faire comparaître son hôte devant le TSSL, le chef de l’État nigérian a toutefois laissé entendre qu’il accepterait de le livrer à un gouvernement libérien démocratiquement élu. À l’issue du scrutin présidentiel du 11 octobre, « si le nouveau gouvernement le désire, Monsieur Taylor pourra alors retourner dans son pays », a-t-il indiqué, ouvrant ainsi une brèche dans laquelle Washington s’est aussitôt engouffré. Le 5 octobre, les États-Unis ont une nouvelle fois demandé au Conseil de sécurité d’autoriser les Casques bleus de la Mission de l’ONU au Liberia (Minul) non seulement à arrêter l’intéressé s’il rentre au Liberia, mais aussi à le livrer au TSSL. Ce projet de résolution a bien sûr suscité des objections de la part de plusieurs pays africains.
Par cette nouvelle tentative, les États-Unis voudraient s’assurer que l’ex-président sera bien poursuivi. Mais ne font pas vraiment confiance aux futures autorités de Monrovia pour le juger. Il est vrai que les candidats à la présidentielle se sont montrés plutôt timides sur le sort à réserver à Charles Taylor (voir J.A.I. n° 2231). George Weah estime que l’ancien chef de l’État « doit avoir le droit de se défendre des accusations qui pèsent contre lui », mais ne s’est pas prononcé sur son extradition, ménageant ainsi la part de son électorat composée d’ex-miliciens. Quant à l’Américano-Libérien Varney Sherman, il souligne que Taylor doit être jugé pour des crimes commis contre des Sierra-Léonais et non contre des Libériens, et pense que son éventuelle comparution n’aura donc que peu d’incidence sur la réconciliation nationale. Seule, Ellen Johnson-Sirleaf a dénoncé les tentatives de son ex-adversaire à la présidentielle de juillet 1997 pour déstabiliser le pays à distance.
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