Un défi personnel

Publié le 10 octobre 2005 Lecture : 2 minutes.

En moins de dix-huit mois, Abdelaziz Bouteflika a bénéficié de deux plébiscites. Le premier, le 8 avril 2004, quand il a été réélu avec 85 % des suffrages exprimés ; le second, le 29 septembre, lors du référendum en vue de l’adoption de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Laquelle, quoi que certains en disent, a été entérinée par trois Algériens sur quatre (si l’on prend en compte les électeurs inscrits).
Ces performances ont certes conforté son système, au demeurant fort compliqué, mais elles n’ont pas que des avantages. Désormais, cet homme qui a le souci de l’Histoire, qui tient à réussir la passation de témoin entre la génération des combattants de l’indépendance et celle qui a connu la tourmente salafiste, est confronté à une double obligation de résultat.
L’ampleur de son succès à la présidentielle de 2004 tient autant à son bilan qu’à ses promesses : relance du développement économique, modernisation du pays et, surtout, amélioration tangible du quotidien de la population. L’énorme cagnotte pétrolière dont il dispose désormais (plus de 50 milliards de dollars de réserves de change) l’aidera évidemment dans sa tâche. En revanche, l’ampleur de sa victoire référendaire (97 % des suffrages exprimés pour le oui) est plus problématique. Construire un hôpital, édifier une nouvelle université ou réduire le déficit en matière de logements est relativement simple quand on en a les moyens. Restaurer la paix dans un pays profondément déchiré, traumatisé par une décennie de violences inouïes sera une tout autre affaire.
Au drame des victimes du terrorisme s’ajoute la douleur des familles de disparus. Pour le chef de l’État, les uns et les autres sont des « martyrs ». C’est le sens du message qu’il a adressé le 3 octobre aux Algériens, à l’issue du Conseil des ministres. En substance, il leur a demandé de transformer leur vote en acte : « Il faut pardonner. » Cette exhortation ressemble presque à un appel au secours. Comme s’il avait soudain pris conscience que les futures victimes du terrorisme salafiste pourraient lui être un jour reprochées, même si sa responsabilité n’est que très indirectement engagée.
Sacrifier la justice à la paix ? Pour Boutef, c’est le meilleur, sinon le seul, moyen de réaliser le rêve qu’il poursuit pour l’Algérie : égaler les performances des « dragons » du Sud-Est asiatique. Ce qui suppose que les réformes institutionnelles soient parachevées, l’appareil de production mis à niveau et la compétitivité des entreprises largement améliorée. C’est presque devenu un défi personnel tant la campagne électorale a tourné autour de lui – et de lui seul. À ses risques et périls, il a choisi le rôle de celui par qui tous les bienfaits arrivent. Une situation franchement inédite dans un pays où l’histoire officielle n’a jamais reconnu qu’un seul héros : le peuple.

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