Transferts d’écrivains

Publié le 10 octobre 2005 Lecture : 2 minutes.

Auteur phare du Seuil, Tahar Ben Jelloun a annoncé au début de septembre qu’il quittait la maison où il a publié vingt-deux livres depuis vingt-huit ans. Ses deux prochains romans paraîtront chez Gallimard. « Je ne me sentais plus chez moi », a commenté le romancier franco-marocain. On sait que le Seuil a connu de nombreux bouleversements depuis son rachat par le groupe La Martinière en janvier 2004.
Ce changement d’« écurie », qui semble fondé avant tout sur des questions d’affinités personnelles, s’est fait dans la discrétion. Rien à voir avec les mouvements qui ont défrayé la chronique de l’édition française ces derniers mois. Le plus symbolique est celui du Brésilien Paulo Coelho, arraché par Flammarion (propriété de Rizzoli) à Anne Carrière. Face aux moyens déployés par le groupe italien pour séduire l’auteur de L’Alchimiste (8 millions d’exemplaires vendus en France), l’amitié qui liait ce dernier à son éditrice n’a pas pesé lourd.
La vénérable maison Gallimard, de son côté, a été délestée de deux auteurs à succès. Alexandre Jardin, dont Le Roman des Jardin est l’un des best-sellers de cette rentrée, a été recruté par Grasset, alors que le sulfureux Maurice Dantec et son Cosmos Incorporated prenaient pied chez Albin Michel.
On ne connaît pas le prix de ces transferts. Quoi qu’il en soit, tels les footballeurs, ainsi que l’expliquait récemment l’hebdomadaire Marianne, les écrivains ont des agents, des imprésarios, et les éditeurs sont prêts à leur offrir des ponts d’or pour les faire écrire sous leurs couleurs. Pour obtenir les droits du nouveau roman de Michel Houellebecq, La Possibilité d’une île, et le faire quitter Flammarion, Fayard a dû ainsi se fendre d’1 million d’euros et promettre une adaptation cinématographique.
Ce turnover n’épargne pas les auteurs d’origine africaine. Après avoir fait les beaux jours du Serpent à plumes et de la collection « Continents noirs » de Gallimard, le Djiboutien Abdourahman Waberi fera paraître son nouveau roman chez Jean-Claude Lattès en janvier prochain. De Grasset, le Camerounais Gaston-Paul Effa est passé au Rocher, où vient de sortir son dernier livre (voir J.A.I. n° 2334). Il y a été rejoint par le Haïtien Louis-Philippe Dalembert (Rue du Faubourg Saint-Denis, paru en septembre). Tandis que la Gabonaise Bessora a trouvé asile chez Denoël et qu’un autre Haïtien, Dany Laferrière, s’est installé chez Grasset, le Congolais Alain Mabanckou, après avoir publié à L’Harmattan, à Présence africaine et au Serpent à plumes, a fait son apparition dans le catalogue du Seuil. Verre cassé, le roman qu’il y a publié (voir J.A.I. n° 2312), est sur les listes de plusieurs grands prix littéraires – notamment dans la deuxième sélection du Femina.
Encore faudrait-il étudier un par un ces transferts – dont la liste ne s’arrête pas là pour en dégager la signification. Pour un Mabanckou, dont le dernier roman, véritable chef-d’oeuvre, est promis à une très belle réussite commerciale, combien d’auteurs africains naviguent-ils d’éditeur en éditeur parce que leurs livres se vendent mal, très mal ? Derrière le même phénomène se cache donc deux réalités bien différentes.

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