Référendum au forceps

Publié le 10 octobre 2005 Lecture : 3 minutes.

Aboutissement du processus politique lancé par Paul Bremer, le référendum pour l’adoption d’une nouvelle Constitution irakienne, prévu le 15 octobre, est mal engagé. Le terrorisme salafiste redouble de barbarie, la résistance d’ingéniosité et la police irakienne d’inefficacité. À cette violence, qui coûte quotidiennement la vie à des dizaines de civils, s’ajoute la poursuite de la stratégie de la coalition, convaincue que seules les grandes opérations contre les fiefs supposés de l’insurrection sont payantes. Et cela malgré l’échec des expéditions précédentes : Fallouja, Ramadi, Samara et Baaqouba.
Iron Fist et River Gate, noms de code des deux grandes offensives lancées le 2 octobre sur la vallée de l’Euphrate, ont totalement paralysé les préparatifs du référendum dans les trois provinces sunnites (al-Anbar, Salah Eddine et Ninive). Et les atermoiements de la classe politique n’arrangent rien. Jalal Talabani, président kurde de l’Irak, s’en est pris à son Premier ministre, le chiite Ibrahim al-Djaafari, à qui il reproche de ne pas le consulter, à l’instar du sunnite Ghazi al-Yaouar, ancien président intérimaire, qui accusait, il y a un an, son Premier ministre, Iyad Allaoui, de n’en faire qu’à sa tête. Tout cela n’est pas pour assainir le climat politique à la veille d’un scrutin déterminant pour l’avenir de l’Irak.
La Constitution est d’ores et déjà rejetée par la communauté sunnite, minorité qui, de tout temps, a été au coeur du pouvoir et d’où émanent, aujourd’hui, les principales organisations de l’insurrection armée.

Les sunnites sont hostiles à toute idée de fédéralisme, « une menace pour l’unité territoriale, selon Tarek Hachimi, secrétaire général du Parti islamique irakien. Une fédération parachèverait le processus de désagrégation programmée de l’Irak ». Autre grief des sunnites, qui touche à l’identité irakienne : l’absence de toute référence à l’appartenance à la nation arabe.
Sous-représentés dans les institutions, accusés d’alimenter la violence, de soutenir Abou Moussab al-Zarqaoui, les sunnites n’ont pas été écoutés. Les Américains, pressés de voir le processus politique aboutir à la formation d’un gouvernement « démocratiquement élu » pour envisager un calendrier de retrait, ne désespèrent pas de les ramener à la raison.

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Adnan Douleimi, septuagénaire souffrant de la maladie de Parkinson et président du Comité des oulémas, a eu la surprise, le 1er octobre, de voir débarquer chez lui Zalmay Khalilzad, ambassadeur des États-Unis à Bagdad, qui a tenté de le convaincre d’appeler ses ouailles à participer au référendum : « Votez non si vous voulez, mais votez. » Khalilzad a juré que le texte proposé n’est pas parole d’évangile : « Une fois adoptée, cette Constitution pourra être amendée. » L’argument porte, et Douleimi émet une fatwa autorisant la participation au scrutin, mais avec un vote négatif. Dysfonctionnement au sein du commandement américain ? Volonté de torpiller les efforts de Khalilzad ? Quelques heures après le passage du diplomate américain, le domicile de Douleimi est saccagé par des GIs au cours d’une perquisition. Bonjour la confiance ! D’autant que, le 30 septembre, l’Assemblée nationale, dominée par les chiites et les Kurdes, avait changé en douce une disposition dans l’article 60 de la Loi fondamentale de transition : pour que soit rejeté le projet de Constitution, trois provinces sur les dix-huit que compte l’Irak devaient voter non à la majorité des deux tiers des inscrits et non des votants. Autant dire que le rejet devenait impossible. Mais la mesure est dénoncée par l’ONU et Washington, qui relèvent son caractère antidémocratique. Le 5 octobre, le Parlement se déjuge et annule la modification décriée.
Comme si la cacophonie politique et la dégradation de la situation sécuritaire n’empoisonnaient pas assez l’atmosphère préélectorale, un autre contretemps a jeté un peu plus de discrédit sur le scrutin : le retard pris par la mission des Nations unies dans la distribution des quinze millions d’exemplaires de la Constitution. Le document n’a été mis en circulation que le 6 octobre, soit neuf jours avant le scrutin. Autant dire que des pans entiers de la population ne le recevront jamais. Il est vrai que la lutte pour la survie ne laisse aux Irakiens que peu de temps pour la lecture.

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