Finance islamique : les bonnes pratiques pour un essor en Afrique subsaharienne

La croissance des produits bancaires conformes à la charia est bloquée faute d’évolution de la législation, juge Wahida Mohamed, fondatrice du Hub Fintech islamique d’Afrique subsaharienne.

File d’attente devant une agence de la Faisal Islamic Bank, à Khartoum, en juin 2019. © Mohamed Nureldin Abdallah/Reuters

File d’attente devant une agence de la Faisal Islamic Bank, à Khartoum, en juin 2019. © Mohamed Nureldin Abdallah/Reuters

David Whitehouse © The Africa Report

Publié le 8 juin 2021 Lecture : 3 minutes.

Alors que l’Afrique subsaharienne dépassera au cours des vingt prochaines années le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord pour devenir la région comptant la deuxième plus grande population musulmane du monde, derrière l’Asie-Pacifique, selon Pew Research, les obstacles réglementaires ont empêché l’émergence de services financiers spécifiquement islamiques pour répondre à cette demande croissante, déplore Wahida Mohamed, fondatrice du Hub Fintech islamique d’Afrique subsaharienne à Mombasa, au Kenya.

« C’est presque comme si la fintech islamique et la population musulmane, exclue financièrement, n’existaient pas », ajoute celle
qui a créé 2019 son incubateur pour épauler les entreprises de fintech islamique, essentiellement actives dans l’agroalimentaire, le commerce électronique ou encore les prêts numériques conformes à la charia au Kenya et en Gambie.

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Une « réglementation proactive » pour faire bouger les lignes

Exigences élevées en matière de capital, processus de demande longs et absence d’une législation d’open-banking qui obligerait les banques à partager les données de leurs clients avec des fournisseurs tiers sont quelques-uns des obstacles règlementaires à l’essor de la finance islamique relevés par l’entrepreneure.

Sans compter la « peur du mot charia », qui peut dissuader certains investisseurs, confie-t-elle à  The Africa Report/Jeune Afrique.

Pour Wahida Mohamed, une « réglementation proactive » pourrait fournir des lignes directrices pour la fintech islamique et faciliter l’accès aux financements. Elle suggère notamment des dispositifs de type pépinière pour permettre aux jeunes pousses de la fintech islamique de tester leurs technologies sur le marché tout en assurant une protection suffisante des consommateurs, ou encore la création d’unités fintech islamiques et de conseils consultatifs nationaux sur la charia au sein des banques centrales.

Renforcer les Sukuk verts

Il faudrait aussi, avance-t-elle, « faire évoluer la règlementation pour renforcer l’émission de Sukuk verts » dont elle estime qu’ils ont « ont un rôle à jouer dans la mise en œuvre de projets verts en Afrique ».

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En effet, l’interdiction des intérêts étant l’une des principales différences entre la finance islamique et la finance non-islamique, les Sukuk constituent une alternative islamique aux obligations portant intérêt, pour lesquels les investisseurs obtiennent la propriété partielle des actifs de l’émetteur jusqu’à l’échéance, et reçoivent leur part des revenus générés par les actifs sous-jacents.

Mais « cet instrument de financement est encore relativement nouveau et il faudra donc se familiariser avec ses exigences en matière d’émission et d’information », juge-t-elle.

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L’avance du Nigeria

Hub Fintech islamique d’Afrique subsaharienne se charge de l’enregistrement des sociétés qu’il épaule, à qui il donne l’accès à une plateforme d’interface de programmation d’applications (API) ouverte et se charge des services de conformité réglementaire et de certification de la charia. Il est aussi derrière la construction – en cours – d’un campus à Konza Techno City au sud de Nairobi.

Malgré ces réalisations, le Kenya est loin derrière le Nigeria, pays d’Afrique subsaharienne le plus avancé en matière de finance islamique selon Wahida Mohamed, qui précise qu’il abrite la plus grande population musulmane et le plus grand marché de consommateurs du continent.

Les bases législatives encadrant la finance islamique y ont été adoptées dès 1991, et la Habib Bank gère un guichet bancaire islamique depuis 1992. La banque centrale du Nigeria a rejoint le Conseil des services financiers islamiques (IFSB) en 2009 et a créé une unité de banque sans intérêt en 2010.

Un secteur plein d’opportunités

En 2011, la Jaiz Bank a été autorisée à opérer en tant que banque islamique à part entière, la première de ce type au Nigeria, et le pays dispose également de lignes directrices pour le secteur de l’assurance Takaful et d’un organe consultatif qui supervise la banque islamique. Le Nigeria abrite également « l’un des pôles technologiques les plus florissants de l’Afrique subsaharienne », juge Wahida Mohamed.

>>> À lire sur Jeune Afrique Business+ : Contre performance pour Jaiz Bank

Si la proportion de musulmans dans la population de l’Afrique subsaharienne devrait passer de 16 % en 2015 à 27 % en 2060, Moody’s estime que les actifs conformes à la charia provenant de la zone ne représentent que 1 % des actifs bancaires islamiques mondiaux.

Cependant, l’agence relève un potentiel important pour le secteur, notamment en Afrique du Sud, au Nigeria et au Sénégal.

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