Cameroun : le Wouri est-il vraiment l’un des fleuves les plus pollués d’Afrique ?
Chaque année, le Wouri déverse plus de trois millions de kilogrammes de déchets dans l’océan Atlantique. À Douala, les associations se mobilisent pour tenter, difficilement, de limiter les dégâts.
Le bras d’un excavateur s’enfonce dans un amas de détritus sous le regard d’une foule de riverains. Son godet en ressort quelques minutes plus tard chargé de déchets puants, qu’il déverse sur le bord d’une rivière saturée d’ordures. Le mouvement se répète sous un soleil de plomb, accompagné par quelques applaudissements.
Ici au quartier Dakar-Combi, dans le 3e arrondissement de Douala, les hommes et les femmes avaient perdu l’espoir de revoir couler l’eau de ce bras mort du fleuve Wouri, l’un des nombreux qui traversent la capitale économique camerounaise. La couche d’immondices – tissus, bouteilles ou sacs en plastique – est si épaisse que les chenilles de l’excavateur peuvent rouler dessus.
« De toute ma vie, je n’ai jamais vu l’eau de cet affluent couler en dehors des périodes de grandes pluies, raconte Anicet, 30 ans. Le lit de la rivière est bouché en permanence par les déchets. Si bien que pendant les pluies, les quartiers sont rapidement inondés. »
2 500 tonnes de déchets par jour
À Douala, le fleuve Wouri et ses affluents sont devenus, au fil des ans, le réceptacle du trop-plein d’ordures que produisent les quelque 4,5 millions d’habitants de la ville. Ces derniers, selon les statistiques de la mairie, génèrent chaque jour près de 2 500 tonnes de déchets. En raison du déficit de financement, l’entreprise chargée de leur collecte rencontre des difficultés à couvrir l’ensemble des quartiers de la ville. Une bonne partie des ordures se retrouve dans les rigoles, les drains et les rivières.
La pollution s’est aggravée par la propagation des matières plastiques, notamment des emballages et des bouteilles qui constituent le gros des produits finissant dans les cours d’eau. Et l’interdiction en 2014 de la fabrication, de l’importation, de la détention et de la commercialisation ou de la distribution des contenants en plastique de moins de 60 microns sur l’ensemble du territoire national n’a pas suffi à en réduire l’usage.
Chaque année, huit milliards de kilogrammes de plastiques d’origine fluviale se déversent dans nos océans
Le 6 juin, quatre organisations se sont mobilisées pour nettoyer le canal du Wouri, à Dakar-Combi. Les opérations de désengorgement ont été initiées par la société des Brasseries du Cameroun, qui en a confié la mission à Seca, une entreprise de collecte et de transport des déchets industriels. En aval, les détritus ont été ramassés par les ONG belges Namé Recycling et River Cleanup qui luttent ensemble contre la pollution des cours d’eau dans la ville. River Cleanup, dont l’activité tourne autour du ramassage des plastiques dans les fleuves, a ce jour-là symboliquement collecté son millionième kilogramme de déchets dans le monde devant le consul de Belgique au Cameroun.
Attaquer le problème à la source
« Chaque année, huit milliards de kilos de plastiques se déversent dans nos océans dont 80% d’origine fluviale , affirme Thomas de Groote, fondateur de River Cleanup. Le Wouri déverse à lui seul près de trois millions de kilogrammes. » Cette statistique en fait le troisième fleuve le plus pollué d’Afrique.
« Nous avons décidé de nous attaquer au problème à la source, en éliminant les déchets avant qu’ils n’atteignent la mer, c’est-à-dire dans les rivières et sur les berges, explique-t-il. L’éducation des citoyens, la transformation des entreprises et le nettoyage actif de nos rivières et de nos fleuves sont les solutions les plus efficaces pour empêcher la pollution plastique d’envahir notre environnement. »
Une atmosphère propice à la propagation de maladies
Ces actions suscitent beaucoup d’espoir auprès des populations, victimes collatérales de cette pollution. « C’est une atmosphère propice à la propagation de maladies évitables comme le choléra et la fièvre typhoïde, insiste le maire du 3e arrondissement de Douala, Valentin Epoupa. En plus de la crainte des infections, les habitants doivent vivre avec une puanteur constante ». Pour les associations, dont River Cleanup, la tâche est certes longue, mais la volonté est bien là.
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