Hissène Habré, de la rébellion à la répression
L’ancien président tchadien est décédé à Dakar ce 24 août, des suites d’une infection au Covid-19. Condamné en 2017 à la prison à perpétuité pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, il avait vécu la rébellion, l’ivresse du pouvoir, puis l’exil, au mépris de sa propre population.
En ce mois d’octobre 2005, quelque part dans une villa de Dakar, entre ses deux épouses et ce qu’il lui reste de sa petite cour de fidèles, un homme de 63 ans vit reclus en attendant que la justice décide de son sort. Officiellement inculpé, le 29 septembre de cette même année, par un tribunal belge pour crimes contre l’humanité, Hissène Habré est désormais menacé d’extradition sur la base d’un mandat d’arrêt international.
Celui que les ONG anglo-saxonnes qualifient alors de « Charles Taylor francophone », sait que la perspective d’une issue judiciaire à son exil n’a jamais paru aussi inéluctable, même si le maquis des procédures sénégalaises et les hésitations du président Wade en la matière peuvent encore réserver quelques surprises d’arrière-garde.
Pour celui dont l’extraordinaire carrière politico-médiatique débuta il y a trente ans par le rapt d’une otage française et la pendaison d’un officier envoyé par l’ex-métropole négocier sa libération, cette fin de route est aussi attendue que le destin. Si, dans une vie antérieure, Hissène Habré a connu la gloire, sans doute a-t-il oublié qu’elle se mesure toujours aux moyens dont on se sert pour l’acquérir.
Habré, Ché Guevara et Ho Chi Minh
Habré Hissène, donc. Naissance en 1942 à Faya-Largeau, la préfecture du Borkou-Ennedi-Tibesti, dans le Grand Nord tchadien, la même année que celui qui deviendra son ennemi intime, un certain Mouammar Kadhafi. Fils d’une famille de pasteurs toubous. Études à l’école des missionnaires, pointeur au service du matériel de l’armée française à Faya, secrétaire administratif de préfecture à 16 ans : le jeune homme est malin, agile, brillant.
Un commandant français le remarque et lui obtient, en 1963, deux ans après l’indépendance, une bourse d’État pour Paris. Hissène passera près de huit ans dans la capitale, faisant une ample moisson de diplômes, tant à la faculté de droit d’Assas qu’à Sciences-Po. Il dévore Fanon, Guevara, Ho Chi Minh, Aron, suit les cours de Vedel et de Duverger, se forge une ambition et des convictions de nationaliste ombrageux.
De retour au Tchad en 1971, il est nommé par le président François Tombalbaye, celui-là même qui n’hésite pas à qualifier son peuple de « ramassis de bœufs ruminants » sous-préfet de Moussoro. Huit mois plus tard, ce dernier l’envoie, à Tripoli, négocier le ralliement de deux chefs rebelles : Abba Siddick et Goukouni Weddeye. Habré y va ; il ne reviendra pas.
Bien s’informer, mieux décider
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