Comment l’islam engendre le terrorisme
Les musulmans peuvent-ils s’exonérer de toute responsabilité dans la « guerre sainte »menée au nom de leur religion ?
Après chaque opération terroriste menée par des djihadistes – depuis les attaques du 11 septembre 2001, celles de Bali en 2002, de Madrid en 2004 et de Londres en juillet 2005 -, deux points de vue contradictoires sont généralement avancés. Les uns soutiennent que ces actes de terrorisme légitimés au nom de la religion trouvent leurs racines dans l’islam. Les autres, qui se recrutent surtout parmi les musulmans et les Occidentaux soucieux du politiquement correct, estiment que le terrorisme en question n’a rien à voir avec l’islam.
On sera plus proche de la vérité en laissant de côté ces deux points de vue et en s’imposant de faire la différence avec toute la rigueur nécessaire entre l’islam, qui est une religion, et l’islamisme, qui est, lui, une idéologie politico-religieuse. Bien que le djihadisme puisse ne pas être islamique, il se fonde sur l’idéologie de l’islamisme, qui s’est développée avec la politisation à outrance de l’islam.
On ne saurait trop insister sur l’importance de cette vérité élémentaire. Nous allons avoir affaire au djihadisme pendant les prochaines décennies et aussi longtemps que le mouvement qui a pris souche au sein de la civilisation musulmane continuera à prospérer et à disséminer ses idées meurtrières. Les djihadistes se considèrent comme des francs-tireurs qui, en dehors de tout État, mènent une guerre pas comme les autres contre les « infidèles » (kouffar). À leurs yeux, il s’agit d’une guerre juste, légitimée par une interprétation à la fois théologique, politique et militaire du concept islamique du djihad.
La relation entre djihadisme et islamisme peut se résumer en quelques mots : les djihadistes se permettent une nouvelle interprétation de la doctrine classique du djihad tout en réécrivant la tradition musulmane.
Le Coran, c’est vrai, autorise les musulmans à recourir à la guerre (qital) dans l’intérêt de l’islam, mais en aucun cas au terrorisme. Autrement dit, la guerre autorisée par le Coran est assortie de règles strictes, alors que le terrorisme est, par définition, une guerre sans règles. La nouvelle interprétation du djihad y a ajouté un « isme » pour en faire le djihadisme (djihadiyya), qui est une guerre très particulière et un avatar du terrorisme moderne.
On se trompe et on trompe assurément autrui lorsqu’on affirme que le djihadisme n’a rien à voir avec l’islam, ne serait-ce que parce que les djihadistes se présentent comme les « véritables musulmans » et qu’ils se sont imprégnés d’une certaine mentalité cultivée dans des mosquées et des écoles islamiques, y compris celles de la diaspora musulmane en Europe.
Du coup, se demander si les terroristes sont musulmans ou non n’a plus aucun sens. Le fait est que le djihadisme se manifeste comme un nouveau courant au sein de la civilisation musulmane, une expression de la « révolte contre l’Occident », et qu’il jouit d’une formidable popularité parmi les musulmans. Aussi bien, c’est avec le concours des musulmans eux-mêmes qui ont tourné le dos aux querelles fumeuses et pris conscience de ce que sont réellement les djihadistes que l’on peut combattre avec succès les idées meurtrières du djihadisme.
Les djihadistes sont, d’abord, les disciples de Hassan al-Banna et de Sayid Qotb, qui ont jeté les bases de l’islamisme comme interprétation politique et militaire de l’islam et dont l’objectif n’est pas seulement de purifier l’islam, mais aussi d’établir un « régime islamique » (nizam islami).
Après le 11 Septembre, certains commentateurs ont affirmé que les djihadistes, en s’attaquant à l’Occident, « se trompent de guerre ». C’est parfaitement faux. Le père spirituel de l’islamisme djihadiste, Sayid Qotb, exécuté au Caire en 1966, a laissé à ses disciples un message limpide : le djihadisme est une « révolution permanente à l’échelon mondial » visant à déstabiliser l’Occident afin d’instaurer partout le gouvernement de Dieu (hakimiyat Allah).
Les premiers islamistes ont respecté la distinction introduite par Qotb entre les deux étapes de la stratégie djihadiste : dans une première étape, renverser chez eux les régimes laïcs ; et dans une seconde étape, passer au djihad mondial. Al-Qaïda ne s’est donc pas trompée de guerre, elle a simplement confondu les deux étapes de la stratégie djihadiste. Et cette confusion délibérée continue de se manifester dans les attentats de Madrid et de Londres à cause de l’existence d’une diaspora musulmane en Europe qui a, par ailleurs, ses problèmes spécifiques.
Que faire pour contrer le djihadisme ? En tant qu’émigré musulman vivant en Europe, je rejette sans hésiter toute idée de « choc des civilisations ». Mais il serait naïf de ne pas prêter toute son importance à l’actuelle « guerre des idées », qui est bien réelle et qui oppose deux camps en ce XXIe siècle : le camp du djihad mondial, et le camp de la démocratie et de la paix.
Plutôt que d’un « choc des civilisations », nous avons besoin d’une alliance entre les démocrates occidentaux et les musulmans lucides contre les islamistes djihadistes. De toute façon, il faut bien comprendre que la démocratie est une culture politique et pas seulement un exercice formel. Et c’est parce que le clergé chiite en Irak a refusé d’admettre cette vérité qu’il se trouve dans l’incapacité de fournir une alternative au djihadisme sunnite.
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