Ruée vers le sous-sol

Avec les premiers signes de retour à la normalité, les multinationales s’intéressent de nouveau aux richesses du pays.

Publié le 10 septembre 2007 Lecture : 5 minutes.

Depuis deux ans, les gisements de bauxite et de fer du pays suscitent les convoitises des plus grands groupes miniers au monde comme des sociétés juniors. Cet engouement s’explique par la pression du marché international des matières premières qui fait aujourd’hui de la Guinée un pays incontournable. Avec près de deux tiers des réserves mondiales de bauxite, minerai rouge à partir duquel est fabriqué l’aluminium, le pays est considéré comme un eldorado pour les grandes compagnies. D’autant que son sous-sol renferme, en terme de qualité, les meilleurs gisements au monde. Une fierté nationale qui n’a cependant que très peu de répercussions sur l’économie du pays. Faute d’usines de transformation.
Première usine d’alumine de tout le continent, l’Alumina Company of Guinea (ACG, RusAl) est la seule société du pays à transformer la bauxite en alumine, exportée à hauteur de 750 000 tonnes par an. Un chiffre marginal au regard du potentiel de la Guinée, qui s’élèverait à 25 milliards de tonnes de réserves Depuis 1963, la Compagnie des bauxites de Guinée (CBG), filiale à 51 % de l’américain Halco Mining-Alcoa (23 %) et du canadien Alcan (21 %), extrait du gisement de Sangarédi (ouest) la plus riche bauxite de toute la Guinée (teneur en alumine de 63 %). Et ce, en dépit de son obligation, conformément à la convention qui la relie à l’État guinéen, de construire une usine d’alumine.
Ainsi, la CBG exporte, depuis quarante-quatre ans, une moyenne annuelle de 13 millions de tonnes de bauxite. Il aura fallu attendre juillet 2007 pour que le duo aluminier Alcoa-Alcan respecte finalement son engagement. C’est sur le site de Kabata, au nord de Kamsar (côte ouest), qu’il érigera une raffinerie d’une capacité annuelle de 1,5 million de tonnes d’alumine. Un investissement estimé à 1,5 milliard de dollars. Seulement 10 % de l’actionnariat de cette unité de transformation devrait revenir à l’État contre 80 % pour Alcoa-Alcan.
L’arrivée d’une nouvelle raffinerie devrait en tout cas répondre à la réalité du marché de l’aluminium dont la consommation est tirée par les pays émergents tels que l’Inde, le Brésil et la Chine. Si l’empire du Milieu est devenu le premier producteur mondial du métal blanc, avec 30 % des capacités globales, ainsi que son premier consommateur, il devrait continuer à soutenir la demande mondiale. La Chine s’intéresse de près à la bauxite guinéenne : vingt et un permis d’exploration ont été accordés en 2006 au chinois Chalco. D’autres sociétés chinoises ont manifesté leur intérêt pour la construction d’une fonderie d’aluminium dans la région de Fria (ouest). Le géant minier brésilien Companhia Vale do Rio Doce (CVRD) a lui aussi obtenu dix-neuf permis de recherche.
Le pays est également devenu un eldorado pour les sociétés juniors désireuses d’entrer, elles aussi, dans la course à l’or rouge. Global Alumina (ex-Gapco) en est le parfait exemple. Créée de toutes pièces en 2004 pour développer un projet de construction d’une raffinerie de 2,8 millions de tonnes sur la concession de Halco Mining, Global Alumina souhaite transformer en alumine la bauxite non exploitée de la CBG. Évaluée à plus de 3 milliards de dollars, cette unité constitue, selon la chambre des mines, un pari risqué mais qui peut s’avérer gagnant. Aujourd’hui, les dirigeants de Global Alumina, qui n’est pas à l’origine une société spécialisée dans l’aluminium, se targuent de pouvoir déjà compter sur de sérieux partenaires comme BHP Billiton, le numéro un mondial du secteur minier, Dubai Alumina et Mudabala.
De l’avis du ministère des Mines et de la Géologie, le projet Global Alumina a permis de relancer les investissements dans le pays. À Fria, RusAl envisage d’investir plus de 130 millions de dollars pour porter d’ici à 2009 la capacité annuelle de production d’alumine de sa raffinerie à 1 050 000 tonnes, soit une hausse de 35 %.
Outre la bauxite, les gisements de fer de la Guinée forestière (sud) constituent un deuxième pôle d’attraction pour les grandes compagnies minières étrangères. Quelque 3 milliards de tonnes de fer d’une richesse exceptionnelle seraient enfouies sous les monts Nimba et Simandou, à la frontière avec le Liberia et la Côte d’Ivoire. Après avoir effectué plusieurs études de faisabilité, en raison des incertitudes politiques pesant sur le Liberia et la Guinée, le minier australien Rio Tinto s’est engagé, en mai 2007, à mobiliser quelque 6 milliards de dollars pour la construction d’une mine, d’une ligne de chemin de fer longue de 700 kilomètres et d’un port en eau profonde à Matakang (côte sud). La compagnie brésilienne CVRD a également obtenu cinq permis de recherche l’an dernier.
Si, depuis l’indépendance du pays en 1958, le fer guinéen fait l’objet des projets les plus ambitieux de la part des multinationales étrangères, le pétrole est, lui aussi, convoité. Mais le dossier est épineux. Depuis 2005, l’État et la compagnie américaine Hyperdynamics se livrent une bataille serrée. Après avoir racheté US Oil en 2002, Hyperdynamics revendique la totalité des 80 000 km2 de l’offshore guinéen. Conakry ne l’a pas entendu de cette oreille, qui a demandé à revoir le contrat d’US Oil. En septembre 2006, 64 % de la surface a finalement été rétrocédée à l’État. Une bagarre qui témoigne de la volonté des autorités de garantir une certaine transparence et de promouvoir le développement du pays par ses richesses minières. Dans cet objectif, le gouvernement envisage de revoir toutes les conventions minières
En attendant, d’autres sociétés minières s’intéressent de très près à l’uranium caché dans le sous-sol guinéen. Le 17 août, l’australienne Murchison a annoncé avoir découvert des réserves de ce minerai sur le site de Firawa, à Kissidougou (600 kilomètres au sud-est de Conakry). Depuis, Thierno Souleymane Diallo, coordinateur du projet Advanced Management Technologies (Amtec) au ministère des Mines, a confirmé l’importance du dépôt uranifère identifié, tout en soulignant que le minerai concerné afficherait de fortes teneurs en uranium, ce qui le rendrait intéressant à exploiter.
La compagnie australienne dispose d’une demi-douzaine de permis de recherche pour Firawa, mais également à Séssé, dans la région de Nzérékoré (sud-est). Selon le ministre des Mines et de la Géologie, Ahmad Kanté, d’autres sociétés, parmi lesquelles figurerait une sud-africaine, sont « en phase de recherche ». En clair, le sous-sol guinéen n’a pas fini d’attirer les investisseurs.

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