Rentrée au féminin

Publié le 10 septembre 2007 Lecture : 3 minutes.

En France, une rentrée littéraire sans polémiques ne serait pas une vraie rentrée. La controverse, cette année, est venue de deux auteures confirmées, dont le talent n’est pas contesté, mais auxquelles il est reproché d’avoir « volé » le sujet de leur roman.
Mazarine Pingeot, la fille de feu l’ancien président Mitterrand, tout d’abord, est accusée de s’être inspirée directement d’un fait divers, le meurtre de ses trois nouveau-nés par une Française établie en Corée, Véronique Courjault, pour rédiger Le Cimetière des poupées (Julliard).
Seconde auteure sur la sellette, Marie Darrieussecq, dont le roman, Tom est mort (P.O.L.), tourne autour de la douleur engendrée par le décès d’un enfant. L’auteure du très original Truismes (P.O.L., 1996) a été violemment prise à partie par Camille Laurens pour s’être emparée d’un thème dont cette dernière s’estime dépositaire, ayant vécu elle-même la perte d’un fils, drame qu’elle a raconté dans Philippe (P.O.L., 1995). Pour cette dernière, sa collègue s’est rendue coupable de « plagiat psychique ». Ironie de l’affaire, les deux écrivaines ont le même éditeur – lequel s’est clairement prononcé en faveur du droit absolu à la création, revendiqué par Darrieussecq.
L’autre écrivaine qui fait l’actualité est Yasmina Reza. Dans L’Aube le soir ou la nuit (Flammarion), la dramaturge met en scène Nicolas Sarkozy, qu’elle a suivi durant sa marche victorieuse vers la présidence de la République (voir J.A. n° 2434). Rien de sulfureux dans ce carnet, qu’au demeurant beaucoup de critiques trouvent assez insignifiant, mais auquel un effet de curiosité promet un bel avenir commercial : il était déjà en tête des ventes dans l’Hexagone à l’issue de la première semaine suivant sa parution, du 20 au 26 août.
Mazarine Pingeot, Marie Darrieussecq, Yasmina Reza. Mais aussi Amélie Nothomb, dont le dernier livre, Ni d’Ève ni d’Adam (Albin Michel), dans lequel la romancière belge revient sur son enfance japonaise, pourrait lui valoir l’un des grands prix de l’automne (voir ci-dessous). Jamais les femmes n’ont marqué d’une telle empreinte le paysage littéraire hexagonal. Car il faudrait encore mentionner, parmi les auteur(e)s moins connu(e)s mais déjà salué(e)s par les critiques, Clara Dupont-Monod (La Passion selon Juette, Grasset), Clémence Boulouque (Nuit ouverte, Flammarion) ou encore Delphine de Vigan (No et moi, JC Lattès). Sans oublier Muriel Barbery et son étonnant L’Élégance du hérisson (Gallimard) : cinquante et une semaines après sa sortie, ce long-seller était encore, à la fin d’août, en deuxième position dans le palmarès hebdomadaire du magazine Livres hebdo.
À quoi s’ajoutent les traductions. En tête des nouveautés régulièrement citées, La Physique des catastrophes (Gallimard) de l’Américaine Marisha Pessl, Arlington Park (l’Olivier) de l’Anglaise Rachel Cusk et, bien sûr, La Perte en héritage (Les Deux Terres) de l’Anglo-Indienne Kiran Desai, ouvrage qui a obtenu le Booker Prize, le plus grand prix littéraire britannique, en 2006.
Et ce n’est pas tout. Si les auteurs africains brillent par leur discrétion en ce mois de septembre 2007, deux femmes, l’une et l’autre mauriciennes, se distinguent avec deux livres remarquables : Indian Tango (Gallimard) pour Ananda Devi et Le Dernier Frère (l’Olivier) pour Nathacha Appanah (voir l’article de Tirthankar Chanda, pp. 112-113). Pour couronner le tout, du côté des romanciers maghrébins ou d’origine maghrébine, c’est encore une femme qui a la vedette. Avec La Vie sexuelle d’un islamiste à Paris, l’Algérienne Leïla Marouane a probablement commis son meilleur roman. Comme son titre le suggère, ce récit rondement mené et à l’humour décapant met en exergue les difficultés pour les musulmans de concilier leur attachement à certaines spécificités culturelles et leurs aspirations à la modernité occidentale. Cette déferlante féminine correspond à un net repli de l’autofiction, genre dans lequel semblaient se complaire les écrivains français depuis quelques années. Simple coïncidence ? S’il est trop tôt pour répondre à la question, une chose est claire : l’époque où une Sagan, une Duras, une Yourcenar passaient pour des incongruités sur la scène littéraire française est bien révolue.

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