Pourparlers et suspicions

Publié le 10 septembre 2007 Lecture : 3 minutes.

« Le principe du voyage de Charles Murigande a été arrêté lors du dernier sommet de l’Union africaine, à Accra. Au départ, nous avions envisagé de nous retrouver secrètement en Afrique du Sud, mais nous avons finalement estimé qu’il était inutile de nous cacher pour nous parler. » C’est en ces termes qu’un responsable congolais explique la visite à Kinshasa, du 2 au 4 septembre, de Charles Murigande, le ministre rwandais des Affaires étrangères. Hélas, ces retrouvailles ont été gâchées par les affrontements qui, au même moment dans le Nord-Kivu, ont opposé l’armée congolaise aux partisans de l’ex-général Laurent Nkunda. « Nous savions que Nkunda allait attaquer début septembre pour faire capoter le voyage de Murigande », révèle ce même responsable.
Congolais et Rwandais s’accusent mutuellement de soutenir leurs ennemis respectifs. Les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) sont ainsi présentées comme des « supplétifs de l’armée congolaise ». Et Nkunda comme une « fabrication du Rwanda ». Bien entendu, le problème a été longuement évoqué lors de la visite de Murigande. Ce dernier ayant demandé le désarmement et le rapatriement des FDLR, les Congolais ont, selon Richard Sezibera, l’envoyé spécial du président rwandais dans la région des Grands Lacs, « pris l’engagement d’accentuer leur pression militaire ». « Quant à Nkunda, ajoute-t-il, ils savent bien que nous ne le soutenons pas. »
Un négociateur congolais révèle que, le premier jour, les entretiens ont été « très compliqués » parce que « nous ne pouvions pas laisser les Rwandais raconter n’importe quoi ». Il leur a donc été rappelé qu’à l’époque où eux-mêmes occupaient le Kivu, ils n’étaient pas parvenus à se débarrasser des rebelles hutus ; que Nkunda « qui prétend se battre pour protéger la minorité tutsie », compte dans les rangs de ses partisans 80 % de Hutus et de membres d’autres communautés ; et que « lorsque les FDLR tuent des populations congolaises dans le Sud-Kivu, ce même Nkunda ne fait rien pour les défendre ».
Les Congolais savent que les Rwandais considèrent Nkunda comme un rempart contre les FDLR, mais estiment que ces derniers ne constituent plus une menace. Ils reprochent aux autorités de Kigali d’avoir dépêché auprès du général rebelle des soldats démobilisés de l’armée rwandaise. « Elles doivent à présent le convaincre de fondre ses troupes au sein de l’armée nationale », estime un autre négociateur. S’agissant du retour des réfugiés tutsis au Kivu – l’une des revendications de Nkunda -, les deux parties vont créer une commission tripartite (RDC, Rwanda, HCR). En attendant, un mécanisme de vérification conjoint va être mis en place afin de juger du bien-fondé des accusations mutuelles de soutien à l’un ou l’autre des groupes armés. D’autre part, les Congolais n’ont, semble-t-il, pas apprécié que leurs interlocuteurs leur suggèrent de nommer au gouvernement des représentants de la communauté tutsie.
Même si Sezibera est convaincu que cette visite « fructueuse » constitue « une étape en vue du rétablissement de la confiance » entre les deux parties, la suspicion reste de mise, comme en témoigne la lenteur du processus de relance de la Communauté économique des pays des Grands Lacs (CEPGL), pourtant soutenu par l’Union européenne. L’objectif est d’amener le Rwanda et la RDC à signer un pacte de non-agression. Mais les Congolais rappellent qu’un tel pacte a existé dans le passé et qu’il a été rompu par leur voisin, en 1996 et en 1998. « Si nous signons et que, demain, le Rwanda nous attaque à nouveau, de quoi aurons-nous l’air ? » s’interroge une source proche de la présidence congolaise.
Nul ne sait si les décisions prises à Kinshasa seront appliquées. Quoi qu’il en soit, l’heure est à la fermeté dans la capitale congolaise. « Si, par malheur, Nkunda s’empare de Goma [la capitale du Nord-Kivu], il ne réussira qu’à attiser la haine des autres communautés envers la sienne », estime un responsable.

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