Mandela brille en Europe

Londres, Paris, Monaco : les « visites privées » de l’ancien chef d’État ont tourné au grand raout médiatique. À qui profite l’opération ?

Publié le 10 septembre 2007 Lecture : 3 minutes.

Nelson Mandela s’est très officiellement « retiré de la vie publique » en 2004. Trois ans plus tard, à 89 ans, l’ancien chef de l’État sud-africain n’a toujours pas posé son bâton de pèlerin, qui se transforme au fil du temps – et bien malgré lui – en canne de vieil homme. Une santé fragile et une conscience certaine de son aura, qu’il déplace avec son grand corps usé, le poussent à calculer méticuleusement ses apparitions et à n’utiliser son image qu’à des fins utiles (la lutte contre le sida, principalement).
Mais on n’est pas grand homme sans une petite dose d’orgueil et la récente tournée qu’il a effectuée fin août-début septembre en Europe montre que « ses visites privées » peuvent rapidement se transformer en raouts médiatiques, avec tapis rouge et génuflexions admiratives des plus grands de ce monde. De Londres à Paris, en passant par Monaco, Mandela a, une fois encore, pu constater son statut d’icône vivante. Les flashes ont crépité, les stars ont accouru et les rentrées d’argent au profit de ses fondations ont suivi. Les dirigeants – en particulier ceux qui viennent d’arriver au pouvoir – n’ont, semble-t-il, pas regardé à la dépense pour pouvoir figurer au côté de « Madiba » (son surnom).

Du bon usage de son image
À Monaco, c’est grâce à un dîner de gala que Mandela, accompagné tout au long de son voyage par son épouse Graça Machel, a pu récolter de l’argent au profit, notamment, de ses deux organisations (la Fondation Mandela et le Fonds Mandela pour les enfants). Les participants se sont chacun acquittés d’une participation de 3 500 euros et une vente aux enchères – qui a rapporté 1,2 million d’euros – est venue couronner la soirée, lors de laquelle Mandela a lui-même donné plusieurs objets, dont un morceau de roche de Robben Island, où il a passé la majorité de ses vingt-sept années de détention.
Cette vie d’effort et de combat mérite aussi qu’on accepte les honneurs offerts par l’ancienne puissance coloniale. À Londres, le 29 août, Mandela a donc inauguré une statue à son effigie en plein Parliament Square. C’est avec satisfaction qu’il a admiré les 2,70 mètres de bronze le représentant trôner pour la postérité aux côtés de Winston Churchill et Abraham Lincoln. Le Premier ministre Gordon Brown, qui tente d’imposer sa marque de fabrique, n’a pas boudé son plaisir d’aider le vieux chef d’État sud-africain à lever le rideau dévoilant l’uvre d’art. Tout comme Nicolas Sarkozy, hôte suivant de Mandela sur le continent européen.

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Sarkozy et Bolloré aux petits soins
C’est de « manière exceptionnelle », a indiqué l’Élysée, que le héros africain a été reçu en France. La visite était privée, mais Sarkozy ne s’est pas moins rendu, le 3 septembre, à l’aéroport d’Orly avec le protocole digne des plus grands chefs d’État pour accueillir celui qui ne l’est plus depuis huit ans. Sur le tarmac, on était entre amis, puisque le jet Bombardier, immatriculé F-GVML, qui transportait le couple Mandela, appartient à la société Bolloré, dont le patron est un proche du président français. Vincent Bolloré était également présent le lendemain lors du dîner très restreint offert par l’Élysée à « Madiba », ainsi que Jacques Séguéla, vice-président du groupe publicitaire Havas (dont Bolloré est aussi président), Jack Lang, auteur de la dernière biographie sur Mandela parue en français, le Premier ministre, François Fillon, Bernard Kouchner, le ministre des Affaires étrangères et les secrétaires d’État, Jean-Marie Bockel et Rama Yade.
Avec force photos à chacune de ses sorties, la visite de Mandela n’avait plus de privée que l’intimité de sa chambre d’hôtel du Meurice. Sarkozy, qui n’a jamais caché son désir de rencontrer le grand homme, histoire de continuer à se tailler le costume d’un leader mondial, pouvait être satisfait de la réussite de l’opération. Peu importe que le tombeur de l’apartheid ait aussi rencontré Jacques Chirac, son prédécesseur et ennemi intime. Et que ce dernier ait réussi à faire avancer l’idée d’un rapprochement entre sa future fondation, qui sera consacrée au développement durable, et celle de Mandela L’avantage des grands hommes, c’est que capter l’un des mille feux dont il brille suffit à éclairer longtemps.

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