David Howell Petraeus

Coauteur d’un rapport très attendu sur la guerre qu’il s’apprête à présenter devant le Congrès, le commandant en chef de la force multinationale en Irak s’est distingué par sa capacité à nouer des liens de confiance avec la population et une partie des i

Publié le 10 septembre 2007 Lecture : 5 minutes.

Le 10 septembre 2007 est une date importante dans l’agenda du président George W. Bush. Ce jour-là, le général David Howell Petraeus, 55 ans, commandant en chef de la force multinationale en Irak depuis janvier 2007, témoignera devant les deux Chambres du Congrès et présentera un rapport sur la situation en Irak. Partisans et adversaires de la guerre attendent impatiemment les recommandations du patron du corps expéditionnaire international en Mésopotamie.
Les premiers, qui se recrutent essentiellement dans les milieux néoconservateurs, nourrissent les plus grandes inquiétudes. Ils n’ont jamais apprécié le général Petraeus, « trop diplômé pour faire un bon soldat ». Il est vrai que pour Dick Cheney, vice-président et architecte de l’expédition irakienne, le côté intellectuel de l’homme ne répond pas au portrait-robot de l’officier idéal. Et si les néocons n’aiment pas Petraeus, ce dernier le leur rend bien. C’est ainsi qu’il a été le seul membre du commandement militaire en Irak à avoir dénoncé la précipitation avec laquelle Paul Bremer, alors proconsul, avait démembré ce qui restait de l’armée irakienne, provoquant un vide, source du chaos actuel. Bien que le général Petraeus ne soit pas homme à aller au champ de bataille la fleur au fusil, il fait partie de ces rares officiers qui pensent que la seule force n’assure pas les victoires durables, qu’une insurrection peut être contenue par une armée, mais ne peut être véritablement réduite que par des moyens politiques.
Fils de Sixtus Petraeus, un capitaine de la marine marchande néerlandaise ayant fui le nazisme en 1940, David Howell est né en 1952, à New York, nouveau port d’attache de son père. Vingt-deux ans plus tard, il sort de la prestigieuse académie militaire de West Point. Et s’il n’est pas major de promo, c’est lui qui séduira la fille du superintendant de l’école, qui faisait rêver tout le contingent. Son parcours dans l’armée américaine est jalonné de médailles et de distinctions. En 1987, il soutient une thèse de doctorat en relations internationales sur le thème de « l’US Army et les leçons de la guerre du Vietnam ». Prémonitoire ?

Quand l’administration Bush décide d’envahir l’Irak, en mars 2003, le général Petraeus est affecté au commandement en chef de la 101e division aéroportée. Il est en première ligne et participe à la « libération » des provinces du Sud. Au vu de ses succès militaires, il s’attendait à être désigné pour la bataille de Bagdad. Ses chefs en décident autrement : sa division est affectée au nord du pays, à Mossoul. C’est dans la capitale de la province de Ninive que le général Petraeus commence à se faire un nom. Contrairement à ses pairs, qui multiplient les bourdes, se mettant à dos la population, il tente de gagner le cur des Irakiens, partant du principe que « l’argent, c’est aussi des munitions ». Distribuer du chocolat aux enfants n’est pas une nouvelle pratique au sein de l’armée américaine. Lui fait mieux. Il noue un dialogue avec les chefs de tribus sunnites, chiites, kurdes ou autres, organise des élections pour désigner une représentation populaire, prend langue avec les autorités syriennes voisines pour assurer l’approvisionnement des villages irakiens en électricité. Il autorise même l’importation de produits iraniens prisés par les populations autochtones.
Autant de mesures qui déplaisent au haut lieu : « trop tendre avec des terroristes en puissance », dit-on dans l’entourage de Donald Rumsfeld, alors patron du Pentagone. Mais son entregent lui vaut d’être choisi, en 2004, pour diriger l’entraînement et l’équipement de la nouvelle armée irakienne. Une année plus tard, il est rappelé au pays par l’état-major pour réécrire le manuel militaire dédié à la lutte contre les insurrections. En janvier 2007, il revient en Irak pour prendre le commandement en chef de la force multinationale.

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La personnalité, le parcours et la méthode de David Howell Petraeus laissent à penser que son rapport (dont il est le coauteur avec Ryan Crocker ambassadeur des États-Unis à Bagdad) pourrait recommander le retrait de l’armée, qu’une majorité de l’opinion américaine et l’opposition démocrate appellent de leurs vux. Tous ceux qui en sont convaincus risquent d’en être pour leurs frais. Petraeus devrait surtout mettre en exergue les succès qu’il vient d’enregistrer. Notamment dans la province frondeuse d’Al-Anbar, où il a réussi à convaincre les tribus sunnites locales de se joindre à l’armée américaine pour lutter contre les djihadistes d’Al-Qaïda. Prouesse dont il a fait part au président Bush lors de sa visite inopinée en Irak, le 3 septembre. Il est vrai que ce succès est loin d’être négligeable. Plusieurs groupes d’insurgés ont répondu favorablement à la proposition du général Petraeus et le nombre d’attaques contre les forces de la coalition a sensiblement baissé dans une région où les Américains ont essuyé leurs plus grosses pertes. Un tour de force conforté par l’annonce, le 29 août, par Moqtada Sadr, le jeune imam chiite radical, du gel des activités antiaméricaines de sa milice, Djeich al-Mahdi. Une bonne nouvelle pour le général Petraeus, car, selon une étude du Pentagone, 73 % des attaques contre les soldats américains sont le fait de miliciens chiites.

Deux autres indices laissent supposer que le brillant officier ne mettra pas en danger sa carrière en recommandant un retrait précipité des soldats américains. Il y a quelques semaines, à l’occasion de la visite d’une délégation du Congrès qu’il a choisi de recevoir à Baaqouba, fief djihadiste, il a fait cette confidence à un membre démocrate de la Chambre des représentants : « L’armée américaine devrait rester encore neuf ou dix années en Irak. » En outre, le général a sérieusement envisagé de dépêcher des troupes américaines pour remplacer celles de l’allié britannique, qui a décidé de se retirer de Bassora, première grande ville du Sud irakien, véritable éponge à pétrole jouissant d’une position stratégique, à quelques encablures des frontières koweïtienne et iranienne. Et si le général Petraeus n’a pas été au bout de son idée, ce sont des considérations techniques qui l’en ont empêché. On comprend pourquoi le président Bush, attaqué de toutes parts, enregistrant des records d’impopularité, traumatisé par des fuites dans la presse rapportant que sur les dix-huit objectifs de l’expédition irakienne, seuls trois ont été atteints, ne tarit pas d’éloges sur ce « soldat visionnaire ».

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